Incitations et transitions financières promouvant des solutions efficaces fondées sur la culture

Vision

Les mesures d’incitation, y compris le soutien financier pour les actions collectives des peuples autochtones et des communautés locales et leurs solutions innovantes fondées sur la culture, sont prioritaires ; des mesures de protection environnementales, sociales et des droits humains relatives au financement de la diversité biologique sont appliquées ; et les mesures d’incitation perverses et les investissements néfastes sont supprimés ou réaffectés.

Raisonnement

La mobilisation et l’affectation des ressources, tant monétaires que non-monétaires, sont des éléments cruciaux de la mise en œuvre effective du Cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020. Il s’agit d’un autre domaine où une transformation est nécessaire. Beaucoup plus de ressources sont investies (à travers des subventions et des investissements dans les industries extractives et des combustibles fossiles par exemple) pour soutenir des activités et des secteurs qui réduisent la diversité biologique et culturelle, que dans des activités qui les préservent, les consolident et les redynamisent. Il est fort probable que se concentrer sur des solutions fondées sur le marché et technologiques cause d’autres dégâts au lieu d’affronter les causes sous-jacentes et d’apporter des changements systémiques. Des exemples de ces « solutions » controversées sont notamment le commerce de carbone, la géo-ingénierie, la biologie synthétique et le forçage génétique. En 2019, l’OCDE estimait que les subventions néfastes pour la diversité biologique s’élevaient à 500 milliards de dollars américains par an, soit environ 10 fois les financements mondiaux estimés pour la conservation de la diversité biologique et l’utilisation durable.1 Des mécanismes financiers axés sur les rendements et les bénéfices n’ont pas encore généré des investissements importants dans la mise en œuvre des objectifs de la CDB,2 et ils sont largement compensés par des subventions, comme celles qui sont accordées à la production agricole nationale.3

Parmi les financements alloués à la conservation, seule une petite partie est affectée au soutien de l’action collective des peuples autochtones et des communautés locales. Paradoxalement, certains financements en faveur de la diversité biologique portent atteinte et violent les droits des peuples autochtones et des communautés locales, au lieu de les promouvoir. 1,753 milliard de dollars américains supplémentaires sont dépensés chaque année en dépenses militaires, qui pourraient être bien mieux employés à des fins sociales et environnementales.

Collectivement, les actions des peuples autochtones et des collectivités locales pour protéger et conserver leurs terres et territoires, et la diversité biologique que ces zones renferment, apportent une contribution non-financière très importante à la réalisation des objectifs de la CDB. Néanmoins, leurs efforts pour conserver et protéger la diversité biologique sont actuellement insuffisamment reconnus comme forme de mobilisation des ressources et sont insuffisamment financés.

Un changement majeur dans les investissements, les mesures d’incitation et les financements, y compris concernant les évaluations des technologies, est nécessaire pour soutenir les activités, en particulier les actions collectives des peuples autochtones et des communautés locales, et des technologies appropriées4 qui profitent tant à la nature qu’aux êtres humains.

Caring for stranded pilot whales in Farewell Spit, New Zealand. Credit: Gary Webber.
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Soins apportés aux globicéphales à Farewell Spit, Nouvelle-Zélande. Photo : Gary Webber.

Les avantages de la transition

  • En mettant fin aux mesures d’incitation perverses, bon nombre des facteurs directs de perte de diversité biologique et culturelle seraient éliminés ou fortement réduits, prévenant ainsi la survenue des dégradations.
  • En mettant fin au financement de la diversité biologique qui porte atteinte aux droits et aux moyens de subsistance des peuples autochtones et des communautés locales, une plus grande collaboration entre les organismes de conservation et les peuples autochtones et les communautés locales se concentrerait sur des résultats positifs tant pour la nature que pour les peuples.
  • En fournissant un soutien financier, politique et technique adéquat, les contributions collectives des peuples autochtones et des communautés locales aux objectifs de la CDB seraient fortement étendues et améliorées, et auraient des effets positifs plus importants, tant pour les peuples autochtones et les communautés locales que pour l’ensemble de l’humanité. Par exemple, cela permettrait aux peuples autochtones et aux communautés locales de :
    • consolider, étendre et reproduire leur action menant à la conservation, à la restauration, à l’utilisation durable et à l’accès, et au partage des avantages ;
    • redynamiser et/ou renforcer les valeurs culturelles et sociales d’une vie en harmonie avec la nature ;
    • défendre de manière effective leurs territoires et leurs terres contre des menaces externes et des industries destructives ;
    • consolider des économies locales durables.

Progrès vers la transition et exemples de référence

Il n’existe pas d’éléments suffisants pour évaluer en détail le niveau global de financements disponibles pour soutenir les actions collectives des peuples autochtones et des communautés locales. Néanmoins, étant donné que les peuples autochtones et les communautés locales possèdent ou gèrent de manière coutumière plus de 50 % des terres du monde, ainsi que de vastes étendues marines, et que ces aires renferment une part importante de la diversité biologique de la planète, les données disponibles suggèrent clairement que la part des financements pour la diversité biologique à la disposition des peuples autochtones et des communautés locales est nettement inférieure à leurs contributions actuelles aux Objectifs d’Aichi pour la diversité biologique.

Des progrès ont été accomplis pour garantir que le financement de la diversité biologique ne porte pas préjudice aux peuples autochtones et aux communautés locales au niveau mondial, par exemple au moyen des garanties du Fonds pour l’environnement mondial et de la CDB, mais ces garanties n’ont pas encore été pleinement mises en œuvre aux niveaux national et local.

Des progrès négligeables sont réalisés dans l’élimination des mesures d’incitation perverses. Peu de gouvernements ont identifié les mesures d’incitation perverses, et encore moins commencé à les réformer de manière effective.

Toutefois, des approches, programmes et projets innovants commencent à émerger, ils apportent de bonnes pratiques et des « graines » à partir desquelles cette transition peut se développer. On trouve notamment, à titre d’exemple :

  • des initiatives qui soutiennent directement les peuples autochtones et les communautés locales et les petits producteurs pour la production, la commercialisation, les moyens de subsistance et la conservation durables, telles que le « Mécanisme forêts et paysans »5, le « Programme d’échange des produits forestiers non-ligneux »6, l’ « Initiative des partenariats pour les produits de la montagne »7, le « Partenariat international pour l’Initiative de Satoyama »8 et l’ « Initiative globale de soutien aux APAC »9un
  • soutien des gouvernements nationaux ou infranationaux aux actions collectives des peuples autochtones et des communautés locales ; par exemple, le soutien du gouvernement municipal à la gestion des ressources naturelles par les communautés en Thaïlande ;
  • des investissements par des fonds mondiaux pour soutenir la conservation par les peuples autochtones et les communautés locales ; par exemple, le Programme de micro financements et l’ « Initiative de conservation inclusive » du Fonds pour l’environnement mondial ;
  • des coopératives constituées par des peuples autochtones et des communautés locales reçoivent des paiements pour le stockage de carbone, la conservation de la diversité biologique et l’utilisation coutumière durable dans les forêts communautaires par l’intermédiaire d’un projet REDD+ au Vietnam ;
  • de nouvelles mesures d’incitation fiscale (par exemple aux États-Unis), par lesquelles les citoyens et les entreprises peuvent affecter leurs impôts de façon à contribuer à la restitution de la propriété autochtone des terres autochtones, comme acte pour réparer les torts et les souffrances associés à la colonisation, et reconnaître et soutenir l’action de gardiennage des Autochtones.10

Les éléments clés de la transition

  • Investir dans des solutions basées sur la nature et la culture, et les actions collectives des peuples autochtones et des communautés locales.
  • Reconnaître le rôle et les contributions des peuples autochtones et des communautés locales comme forme de mobilisation des ressources et en tenir compte dans les politiques, les lois et l’affectation des ressources nationales et infranationales.
  • Accroître les financements directs pour les peuples autochtones et les communautés locales, y compris pour la conservation et l’utilisation durable, avec une meilleure accessibilité grâce à un partage des informations plus large, à la formation, à la révision des exigences techniques, à la planification des financements, au réseautage et aux partenariats. Effectuer un suivi de ce qui précède en disposant de données ventilées sur le soutien national aux actions collectives des peuples autochtones et des communautés locales dans les rapports nationaux à la CDB, et dans le cadre des travaux de l’ « Initiative pour la finance de la biodiversité » du Programme des Nations Unies pour le développement.
  • Appliquer des garanties pratiques et concrètes au financement de la diversité biologique.
  • Avoir comme critères fondamentaux de tous les financements de la diversité biologique et des autres processus de mobilisation des ressources aux niveaux national et infranational l’inclusion sociale et le respect des normes des droits humains, afin d’éviter de potentiels effets négatifs sur les droits et les moyens de subsistance des peuples autochtones et des communautés locales.
  • Inclure les peuples autochtones et les communautés locales dans les comités nationaux, avec des rôles et des responsabilités pour les budgets nationaux relatifs au financement de la diversité biologique au niveau national.
  • Identifier et éliminer de toute urgence les mesures d’incitation perverses, et définir et appliquer des mesures d’incitation positives, notamment en transformant les mesures de relance en réponse à la COVID-19 en une occasion de remodeler l’économie vers la durabilité pour les personnes et la planète.
  • Améliorer l’efficacité de REDD+ au moyen d’une planification précoce, d’investissements initiaux, de la collecte de données de référence, et d’un suivi rigoureux et étendu des effets.
  • Intégrer des évaluations des technologies à tous les niveaux des politiques, de la planification et de la mise en œuvre de la diversité biologique.
  • Réformer le secteur financier, y compris les mesures des institutions financières à tous les niveaux, afin que les flux financiers favorisent des pratiques durables. Cela pourrait être réalisé, par exemple, en appliquant des politiques et processus d’évaluation des risques sociaux et pour la diversité biologique, et en faisant état d’une diminution des effets négatifs et d’une augmentation des effets positifs sur la diversité biologique et les peuples autochtones et les communautés locales au fil du temps.

References

  1. OCDE (2019) Biodiversity: Finance and the Economic Business Case for Action. Rapport préparé pour la réunion des Ministres de l’environnement du G7, 5-6 mai 2019. Paris : OCDE. Disponible sur : https://www.oecd.org/environment/resources/biodiversity/G7-report-Biodiversity-Finance-and-the-Economic-and-Business-Case-for-Action.pdf

    Dempsey, J., Martin, T. G. et Sumaila, U. R. (2020) « Subsidizing extinction? », Conservation Letters 13(1), pp. 11-13.
  2. Dempsey, J., et Suarez, D.C. (2016). « Arrested Development? The Promises and Paradoxes of “Selling Nature to Save It.” » Annals of the American Association of Geographers 106(3), pp. 653–671.

    Conservation Finance Alliance (2014). Supporting biodiversity conservation ventures: Assessing the impact investing sector for an investment strategy to support environmental entrepreneurism. Conservation Finance Alliance. Disponible sur : https://static.squarespace.com/static/537c92d5e4b071e47398cfcb/537cc7ace4b07ba17deab3d3/537cc 7ade4b07ba17deab585/1399828542777/ACS__CFA_2014.pdf

    Clark, R., Reed, J, et Sunderland, T. (2018) « Bridging funding gaps for climate and sustainable development: Pitfalls, progress and potential of private finance », Land Use Policy71, pp. 335-346.
  3. Dempsey, J., Martin, T. G. et Sumaila, U. R. (2020) « Subsidizing extinction? », Conservation Letters13(1), pp. 11-13.
  4. Voir par exemple, Patterson, S.A. (2020) First-ever compendium of indigenous technologies provides a powerful toolkit for climate-resilient design. Boston : Harvard University Graduate School of Design. Disponible sur : https://www.gsd.harvard.edu/2020/02/first-ever-compendium-of-indigenous-technologies-provides-a-powerful-toolkit-for-climate-resilient-design/
  5. Mécanisme forêts et paysans. Disponible sur : http://www.fao.org/forest-farm-facility/fr/
  6. Non-Timber Forest Products Exchange Programme. Disponible sur : https://ntfp.org/where-we-are/asia/
  7. Mountain Partnerships Products Initiative. Disponible sur : http://www.fao.org/mountain-partnership/initiatives
  8. Partenariat international pour l’Initiative de Satoyama. Disponible sur : https://satoyama-initiative.org/
  9. Global ICCA Support Initiative. Disponible sur : https://sgp.undp.org/about-us-157/partnerships/icca-gsi.html
  10. Singh, M. (2019) « Native American “land taxes”: a step on the roadmap for reparations ». The Guardian. Londres : Guardian Media Group. Disponible sur :https://www.theguardian.com/us-news/2019/dec/31/native-american-land-taxes-reparations