Partie III

Diversité biologique, changement climatique et développement durable

Messages principaux

  • Les actions individuelles et collectives des peuples autochtones et des communautés locales apportent des contributions précieuses à la réalisation des objectifs en matière de diversité biologique, de changement climatique et de développement durable, en combinant droits humains et bien-être, conservation et utilisation durable de la nature, et conservation des systèmes naturels qui contribuent à la vie. Garantir les droits des peuples autochtones et des communautés locales à leurs terres, territoires et ressources d’ici 2030 entraînera une transformation favorisant la réalisation du programme mondial de changements.
  • Les peuples autochtones et les communautés locales incarnent les liens intergénérationnels entre la nature et la culture, la culture et le développement, et les liens entre local et global, en mettant en œuvre le programme universel à travers différents moyens de savoir et d’être.
  • Les Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD) peuvent servir d’outil pour donner les moyens aux peuples autochtones et aux communautés locales de surmonter la vulnérabilité et l’exclusion, et avancer vers l’autodétermination et la participation pleine et effective à la gouvernance inclusive.
  • Au vu de leurs liens matériels et culturels directs avec l’environnement, les peuples autochtones et les communautés locales sont, et resteront, affectés de manière disproportionnée si les Objectifs d’Aichi pour la diversité biologique et les ODD ne sont pas réalisés.

Les peuples autochtones et les communautés locales et le lien avec la diversité biologique, le changement climatique et le développement durable

« Tous les pays et toutes les parties prenantes agiront de concert pour mettre en œuvre ce plan d’action. Nous sommes résolus à libérer l’humanité de la tyrannie de la pauvreté et du besoin, à prendre soin de la planète et à la préserver. Nous sommes déterminés à prendre les mesures audacieuses et porteuses de transformation qui s’imposent d’urgence pour engager le monde sur une voie durable, marquée par la résilience. Et nous nous engageons à ne laisser personne de côté dans cette quête collective. »

— Programme de développement durable à l’horizon 20301
Indigenous Americans march as part of Fridays for Future to highlight the impacts of climate change on their way of life. Credit: ph_m.
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Des Américains autochtones défilent dans le cadre des Fridays for Future afin de souligner les effets du changement climatique sur leur mode de vie. Photo : ph_m.

« Ce Programme a une portée et une importance sans précédent. Il est accepté par tous les pays et applicable à tous, compte tenu des réalités, capacités et niveaux de développement de chacun et dans le respect des priorités et politiques nationales. Les objectifs et les cibles qui y sont énoncés ont un caractère universel et concernent le monde entier, pays développés comme pays en développement. Ils sont intégrés et indissociables et concilient les trois dimensions du développement durable. »

— Programme de développement durable à l’horizon 20302

Un programme universel et différents moyens de savoir et d’être

« Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 » regroupe dans un même programme universel commun la conservation de la diversité biologique, le changement climatique et le développement durable, mais dans de nombreux pays, ces aspects restent mis en œuvre et pris en compte de manière fragmentée, plutôt que selon une approche holistique. Les peuples autochtones et les communautés locales continueront d’être affectés de manière disproportionnée si les Objectifs d’Aichi pour la diversité biologique et les ODD ne sont pas atteints. Néanmoins, ces objectifs peuvent donner les moyens aux peuples autochtones et aux communautés locales de surmonter la vulnérabilité et l’exclusion grâce au pouvoir de leurs actions collectives, à leur développement déterminé librement, et à l’appui du gouvernement.

Comment concilier la promesse du développement durable de ne pas faire de laissés-pour-compte et la vision d’une vie en harmonie avec la nature d’ici 2050, avec le maintien d’une hausse globale moyenne des températures bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle ?

Paradoxalement, du point de vue des peuples autochtones du monde, les solutions à ce défi mondial apparemment complexe et insoluble sont étonnement simples. En appliquant des solutions holistiques tirées de leurs valeurs et de leurs cultures, en prenant soin de leurs terres d’origine et de la nature3en exerçant leurs droits au développement autodéterminé, et en promouvant le respect de la diversité et de l’équité entre les peuples, les peuples autochtones mettent en pratique les principes essentiels du développement durable4. Les plus de 4 000 peuples autochtones différents, avec une population collective d’environ 476 millions de personnes, représentent la majeure partie de la diversité culturelle du monde, et ont créé et parlent la part la plus importante des presque 7 000 langues que compte le monde,5et, par conséquent, incarnent une part similaire des connaissances de l’humanité pour une vie durable sur terre. Des perspectives similaires sont présentées par de nombreuses communautés locales du monde qui vivent avec des liens collectifs à leurs territoires, et des systèmes collectifs de gouvernance et de savoirs.

L’Assemblée générale des Nations Unies, dans une résolution de suivi au Programme de développement durable à l’horizon 2030,6 «[re][r]éaffirme le rôle de la culture en tant que vecteur du développement durable qui procure aux populations et aux communautés un profond sentiment d’identité et de cohésion sociale et contribue à rendre les politiques et mesures de développement à tous les niveaux plus efficaces et viables, et souligne à cet égard que des politiques adaptées aux contextes culturels peuvent produire de meilleurs résultats en termes de développement, lesquels seront durables, équitables et bénéficieront à tous. »

Les conclusions suivantes des évaluations scientifiques mondiales les plus récentes concernant l’état actuel de la diversité biologique et du changement climatique7

mettent en évidence le rôle significatif joué par les peuples autochtones et les communautés locales pour faire face aux crises interdépendantes de la diversité biologique, du changement climatique et du développement durable :

« Les défis de l’atténuation des changements climatiques et de l’adaptation aux changements climatiques tout en garantissant l’alimentation, l’eau, l’énergie et la santé, et la prise en compte des fardeaux inégaux de la détérioration de l’environnement et du recul de la diversité biologique, reposent tous sur une fondation commune : la nature vivante. » « En particulier, nous tenons compte du tissu de la vie sur Terre qui a été « tissé » par des processus naturels pendant des millions d’années et avec la population pendant des milliers d’années. Les contributions essentielles apportées par la nature vivante à l’humanité, que l’on désigne comme des contributions de la nature à la population, affectent virtuellement tous les aspects de l’existence humaine et contribuent à la réalisation de tous les Objectifs de développement durable identifiés par les Nations Unies.»

« Les tendances au déclin sont également exposées dans une évaluation mondiale de 321 indicateurs relatifs à la nature importants pour la qualité de vie développée par les peuples autochtones et les communautés locales.» Bien que le déclin de la nature soit moins important dans les zones gérées par des peuples autochtones que sur d’autres terres, ~72 % des indicateurs évalués font état d’une détérioration.»

« La vaste région de la terre gérée par des peuples autochtones en vertu de différents régimes de propriété ne fait pas exception à ces tendances. Au vu de sa grande superficie, du fait que la nature soit globalement mieux préservée sur ces territoires, et des différentes pratiques de gardiennage qui sont appliquées à travers le monde, le destin de la nature sur ces terres a des conséquences importantes pour l’ensemble de la société ainsi que pour les moyens de subsistance, la santé et la transmission des savoirs au niveau local. »8

« Les peuples autochtones maîtrisent l’art de la vie sur Terre sans la détruire. Ils continuent d’enseigner et de montrer l’exemple, de la restauration des zostères9 et du saumon par la Nation Samish10, à la réintroduction du bison par la Nation Kainai de la Blackfoot Confederacy11à la restauration des étangs à poissons hawaïens traditionnels vieux de 800 ans.12. Nous devons tenir compte de ces enseignements et affronter cette tâche difficile si nous voulons que nos petits-enfants aient un avenir. »

— Jon Waterhouse, spécialiste des peuples autochtones à la Oregon Health and Science University et membre émérite et explorateur de National Geographic Education13

Intégration des droits des peuples autochtones dans le programme de transformation

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 prévoit une approche incluant les gouvernements, les économies et les sociétés dans leur ensemble. Cinq ans après l’adoption du programme, dans quelle mesure a-t-il réussi à impliquer et mobiliser tous les peuples sur le chemin de la transformation ?

Le Grand groupe des peuples autochtones pour le développement durable a indiqué que « Bon nombre des rapports volontaires nationaux reconnaissent les groupes de laissés-pour-compte, mais ne prévoient aucun mécanisme pour leur participation significative et la pleine inclusion de leurs besoins et priorités. De plus, de nombreux pays ne mentionnaient même pas les peuples autochtones en tant que groupes marginalisés spécifiques, et ne faisaient aucunement référence à leurs droits collectifs et contributions au développement durable. L’approche par le haut à la mise en œuvre des ODD, l’absence de cohérence politique, la déconnexion entre la prise de responsabilités de l’État par rapport à ses obligations en matière de droits humains et l’accent mis fortement sur la croissance économique sont quelques-uns des principaux obstacles entravant l’accès à ceux qui sont laissés-pour-compte, notamment les peuples autochtones. Dans les faits, la prise de conscience des ODD au niveau local, y compris sur les territoires autochtones, continue de faire défaut. »14

Les peuples autochtones représentent 6 % de la population mondiale, 15 % des plus pauvres de la planète, et un tiers des pauvres dans les zones rurales. Ils sont également confrontés à des niveaux élevés de discrimination et sont généralement laissés-pour-compte dans la plupart des pays dans lesquels ils vivent.15

Alors qu’ils contribuent le moins au réchauffement planétaire, ils souffrent de manière disproportionnée des effets du changement climatique. La plupart de la diversité biologique restante de la planète se trouve partiellement sur leurs terres, eaux et territoires, qui sont étayés par leurs valeurs spirituelles et leurs cultures qui honorent la vie et la Terre sacrée.

Les peuples autochtones et les communautés locales apportent des contributions particulières à la réalisation d’objectifs mondiaux, de manière intégrée et holistique. Les peuples autochtones et les communautés locales apportent des contributions particulières à la réalisation d’objectifs mondiaux, de manière intégrée et holistique. Les placer au cœur de la mise en œuvre est positif sur trois plans : associer la réalisation des droits humains et du bien-être, la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, et l’entretien des écosystèmes naturels pour gérer les changements climatiques. Les indicateurs relatifs aux droits et au bien-être des peuples autochtones et des communautés locales constituent des mesures importantes des progrès dans la mise en œuvre du programme mondial de changement.

Néanmoins, les initiatives communautaires économiques, de conservation et de développement des peuples autochtones et des communautés locales contribuent chaque jour non seulement à la réalisation des Objectifs d’Aichi pour la diversité biologique, mais aussi à la réalisation des ODD et de l’Accord de Paris. Ces objectifs et cibles mondiaux sont tous étroitement liés dans les vies quotidiennes des peuples autochtones et des communautés locales et dans leurs efforts quotidiens pour surmonter la marginalisation et affirmer leurs actions collectives pour résoudre la crise de la biosphère et du changement climatique.

Dans son encyclique sur la « sauvegarde de la maison commune »16 le Pape François souligne le contexte historique et culturel unique qui façonne le développement des peuples à partir de leur culture :

« 144. … Il faut y inclure la perspective des droits des peuples et des cultures, et comprendre ainsi que le développement d’un groupe social suppose un processus historique dans un contexte culturel, et requiert de la part des acteurs sociaux locaux un engagement constant en première ligne, à partir de leur propre culture. Même la notion de qualité de vie ne peut être imposée, mais elle doit se concevoir à l’intérieur du monde des symboles et des habitudes propres à chaque groupe humain.

[…]

146. Dans ce sens, il est indispensable d’accorder une attention spéciale aux communautés aborigènes et à leurs traditions culturelles. Elles ne constituent pas une simple minorité parmi d’autres, mais elles doivent devenir les principaux interlocuteurs, surtout lorsqu’on développe les grands projets qui affectent leurs espaces. En effet, la terre n’est pas pour ces communautés un bien économique, mais un don de Dieu et des ancêtres qui y reposent, un espace sacré avec lequel elles ont besoin d’interagir pour soutenir leur identité et leurs valeurs. Quand elles restent sur leurs territoires, ce sont précisément elles qui les préservent le mieux. Cependant, en diverses parties du monde, elles font l’objet de pressions pour abandonner leurs terres afin de les laisser libres pour des projets d’extraction ainsi que pour des projets agricoles et de la pêche, qui ne prêtent pas attention à la dégradation de la nature et de la culture. »

Les peuples autochtones ont déclaré que l’autodétermination et le développement durable sont « deux faces de la même médaille »,17 réaffirmant avec vigueur le pouvoir de transformation de l’action et l’autodétermination. L’application rigoureuse d’une approche fondée sur les droits humains dans la mise en œuvre du programme mondial de transformation donne davantage de poids à l’action et à la voix de ceux qui sont actuellement laissés-pour-compte, surmontant ainsi le cadre limité de vulnérabilité et de marginalisation.18

Une approche à la pauvreté fondée sur les droits humains consiste essentiellement à donner davantage de moyens aux pauvres. Alors que le fil conducteur des expériences des personnes pauvres est l’impuissance, les droits humains donnent davantage de moyens aux personnes et aux communautés en leur accordant des droits qui imposent à d’autres des obligations juridiques. Pour autant que les pauvres puissent y accéder et en bénéficier, les droits humains peuvent aider à répartir également la distribution et l’exercice du pouvoir au sein des sociétés et entre les sociétés. En résumé, les droits humains peuvent atténuer l’impuissance des pauvres.19

Contributions des peuples autochtones et des communautés locales à la diversité biologique, au changement climatique et au développement durable

« Nous les peuples autochtones et communautés locales incarnons l’intelligence créative et la sagesse de l’humanité dans notre soin et notre amour pour la Terre nourricière. Nous sommes en première ligne pour protéger la diversité biologique mondiale restante, et nombreux sont nos dirigeants qui ont été tués alors qu’ils défendaient les droits humains et l’environnement. »

Forum international des peuples autochtones sur la biodiversité à la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (novembre 2018)

Les contributions des peuples autochtones et des communautés locales à la diversité biologique, au climat et au développement durable, compilées dans le tableau 2, ont commencé à être reconnues comme étant extrêmement précieuses dans des rapports mondiaux tels que l’évaluation mondiale de la diversité biologique et des services écosystémiques de l’IPBES (Global Assessment on Biodiversity and Ecosystem Services), ce qui confirme et complète les expériences des peuples autochtones et des communautés locales et de nombreuses études et recherches présentées dans la deuxième partie de ce rapport.

Au vu de leurs liens matériels et culturels directs avec l’environnement, les peuples autochtones et les communautés locales sont, et resteront, affectés de manière disproportionnée si les Objectifs d’Aichi pour la diversité biologique et les ODD ne sont pas réalisés. Par ailleurs, il est avéré que l’intégration formelle des peuples autochtones et des communautés locales, de leurs nombreux systèmes de gestion adaptés au niveau local, et de leurs savoirs autochtones et locaux dans la gestion de l’environnement offrent des moyens efficaces pour réduire la dégradation de l’environnement.

À titre d’exemple des effets négatifs sur les peuples autochtones et les communautés locales des progrès insuffisants dans la réalisation des Objectifs d’Aichi pour la diversité biologique et des ODD, on peut citer :

  • la disparition progressive des moyens de subsistance et d’existence sous l’effet de la déforestation continue (Objectif 5 ; ODD 15) et des pratiques de pêche non durables (Objectif 6 ; ODD 14) ;
  • les effets sur la santé de la pollution et de l’insécurité alimentaire (Objectif 8 ; ODD 6 et 12).

Parmi les exemples de contributions des peuples autochtones et des communautés locales à la gestion durable de l’environnement, on trouve :

  • des initiatives concernant la foresterie communautaire (Objectif 7 ; ODD 12) ;
  • les systèmes d’agriculture et d’aquaculture traditionnels (Objectif 7 ; ODD 12) ;
  • les territoires et aires conservés par les peuples autochtones et les communautés, ou APAC (Objectif 11 ; ODD 14 et 15) ;
  • l’intégration des savoirs autochtones et locaux dans la gestion des espèces envahissantes et menacées (Objectifs 9 et 12 ; ODD 14 et 15) ;
  • la conservation de la diversité génétique des animaux et plantes sauvages et domestiques au moyen d’échanges sur des marchés et non-marchands (Objectif 13 ; ODD 2).

Ces contributions à la réalisation des ODD sont présentées dans le tableau 2, selon les données de l’évaluation mondiale de la diversité biologique et des services écosystémiques de l’IPBES (Global Assessment on Biodiversity and Ecosystem Services).

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Tableau 2 : exemples de contributions des peuples autochtones et des communautés locales aux Objectifs de développement durable des Nations Unies

Table 2: Examples of IPLC contributions to the UN Sustainable Development Goals

Données ventilées et surveillance communautaire : le projet du Navigateur autochtone

Un consortium d’organisations régionales et internationales de peuples autochtones et de réseaux qui les soutiennent, d’institutions des droits humains, et l’Organisation internationale du travail (OIT), avec le soutien de l’Union européenne, ont conjugué leurs forces pour promouvoir les droits des peuples autochtones à travers la génération systématique de données sur les droits des peuples autochtones et le développement.20. Le projet du « Navigateur autochtone »21 répond au manque de données ventilées faisant état des situations des communautés pour éclairer la prise de décisions relatives à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques. Le projet fait le suivi de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), de conventions internationales relatives aux droits humains pertinentes, notamment la Convention n° 169 de l’OIT, les ODD des Nations Unies, et les résultats de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones.

« Le Navigateur autochtone est un outil de suivi participatif portant non seulement sur le respect des droits des peuples autochtones, mais qui vise aussi à documenter les façons dont les peuples autochtones contribuent au développement durable à travers leurs pratiques traditionnelles de gestion des ressources et innovations. Il générera des données faisant état des réalités sur le terrain qui peuvent être utilisées pour tenir les États pour responsables et pour promouvoir le développement autodéterminé des peuples autochtones. »

— Joan Carling, co-coordinatrice, Grand groupe des peuples autochtones pour le développement durable

À travers le Navigateur autochtone, les expériences importantes de communautés autochtones dans 11 pays — la Bolivie, le Pérou, la Colombie, le Suriname, le Cameroun, le Kenya, la Tanzanie, les Philippines, le Népal, le Cambodge et le Bangladesh — montrent comment ils ont abordé leurs questions et préoccupations prioritaires.

La figure 6 présente les besoins et les priorités changeants des communautés ayant participé au projet, identifiés dans le cadre de projets conçus par les communautés dans 11 pays, et qui comprennent :

  • la reconnaissance juridique
  • la santé et le bien-être
  • l’éducation, la langue et la culture
  • le revenu, la production et la souveraineté alimentaire
  • la gouvernance, le leadership et les institutions
  • le régime foncier, la protection environnementale et l’accès aux ressources naturelles
  • l’accès aux services sociaux
  • l’égalité, la justice et la participation politique
  • le consentement libre, préalable et éclairé
  • les migrations, et l’autonomisation des communautés défavorisées
  • l’autonomisation des femmes et des jeunes.

Les liens entre ces besoins et priorités communautaires et les ODD, selon les 40 communautés des 11 pays qui mettent en œuvre le Navigateur autochtone, sont présentés dans le tableau 3. L’ODD 15, Vie terrestre, apparaît comme l’objectif principal pour les peuples autochtones et les communautés locales. D’autres objectifs tout aussi importants ont trait à la pauvreté, l’inégalité, l’égalité entre les sexes, l’éducation de qualité, la bonne santé et le bien-être. La nécessité d’aborder les questions relatives au changement climatique, à la paix, à la justice et à la solidité des institutions est également considérée comme importante. 22

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Figure 7 : besoins et priorités communautaires identifiés par les communautés autochtones dans 11 pays au moyen du Navigateur autochtone

Figure 7: Community needs and priorities identified by indigenous communities in 11 countries through the Indigenous Navigator

Les données du Navigateur autochtone montrent que les communautés sont fortement affectées et concernées par les questions relatives à leur régime foncier, à la protection de l’environnement et à l’accès aux ressources naturelles (environ 24 %), à l’éducation, à la langue et à la culture (20 %), et au revenu, à la production et à la souveraineté alimentaire (17 %). Les questions connexes, qui peuvent sembler susciter des préoccupations moindres (10 % et moins), sont tout aussi pertinentes pour les communautés.

Le tableau 3 montre comment les ODD prioritaires en termes de mise en œuvre dans les 11 pays s’inscrivent dans leurs projets communautaires (un projet peut se référer à un ou plusieurs ODD). Les données du Navigateur autochtone leur ont permis d’identifier et mettre en exergue leurs préoccupations aux niveaux local, national et international. Le processus de développement des projets a donné à la communauté les moyens de générer des données et d’impliquer de manière confidentielle les principales parties prenantes, afin d’exiger un changement des politiques relatives aux ODD, au changement climatique et à l’UNDRIP. Les dispositions de l’UNDRIP liées aux ODD comprennent les droits à l’autodétermination, les institutions politiques et économiques coutumières distinctes, le droit au développement, le droit à la spiritualité, le droit à l’identité, l’éducation et la transmission des savoirs, la conservation et la protection de l’environnement sans discrimination, et l’accès à l’assistance technique et financière.

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Tableau 3 : ODD visés par les 11 pays mettant en œuvre des projets du Navigateur autochtone dans certaines communautés

Table 3: SDGs targeted by the 11 countries implementing Indigenous Navigator projects in selected communities

Expériences des communautés avec le Navigateur autochtone

Les cas suivants montrent comment des communautés du Pérou et du Cameroun ont utilisé le plein potentiel du Navigateur autochtone pour générer des données, analyser leur situation, et dégager des stratégies et des solutions pour répondre à leurs problèmes et préoccupations. Au Pérou, l’Académie des dirigeants (Sharian) de la Nation Wampis montre les sources d’inspiration des jeunes pour devenir des dirigeants et des porteurs de savoirs (encadré 49). Au Cameroun, l’absence de droits de citoyenneté des peuples Baka, Bagyeli et Bedzang illustre cruellement les répercussions et les restrictions sur la jouissance et l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, d’un statut de « non-citoyen » dans leur propre pays (encadré 50).

Young members of the Wampis Nation at a meeting. Credit: Pablo Lasansky.
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Jeunes membres de la Nation Wampis lors d’une réunion. Photo : Pablo Lasansky.
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Encadré 49 : Shapiom Noningo, Peru Equidad

Étude de cas : Sharian: l’Académie des dirigeants wampis, Pérou

L’ « Académie des dirigeants Sharian» est une initiative du Gouvernement territorial autonome de la Nation Wampis (GTANW) pour former de jeunes dirigeants qui, à l’avenir, pourront promouvoir le développement autonome de la Nation Wampis sur la base de solides connaissances de leurs éléments socio-culturels et des droits humains des peuples autochtones. Elle prépare les dirigeants à une formation complète, holistique, large et interculturelle, pour des dirigeants engagés en faveur de la vision future de leur peuple et imprégnés des valeurs de leurs racines culturelles.

— Lire l’étude de cas complète
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Encadré 50 : Gbabandi, Okani et Forest Peoples Programme

Femmes baka, bagyeli et bedzang participant à un atelier national sur les droits autochtones et la diversité biologique. Photo : Adrienne Surprenant.
Baka, Bagyeli and Bedzang women participating in a national workshop on indigenous rights and biodiversity. Credit: Adrienne Surprenant.

Étude de cas : le droit à la citoyenneté des Baka, Bagyeli et Bedzang au Cameroun

Les peuples autochtones Baka, Bagyeli et Bedzang du Cameroun ont uni leurs forces pour se représenter à travers une plateforme nationale d’organisations de peuples autochtones des forêts, qui porte le nom de Gbabandi. Les communautés ont employé les outils d’enquête du Navigateur autochtone pour combler l’insuffisance des données officielles sur la situation des peuples autochtones au Cameroun, en accordant la priorité à la question de la citoyenneté en vertu de la cible 16.9 des ODD, qui vise à fournir une identité juridique à tous, notamment avec l’enregistrement gratuit des naissances, d’ici 2030.

— Lire l’étude de cas complète

Occasions et actions recommandées

Le premier Sommet sur les ODD, chargé de dresser un bilan des progrès accomplis au cours des quatre premières années de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, s’est tenu en septembre 2019 au Siège des Nations Unies à New York. Il s’est accompagné de la publication du premier rapport quadriennal sur le développement durable mondial, intitulé « The future is now: Science for achieving sustainable development », rédigé par 15 scientifiques indépendants.23

Le rapport mettait en garde quant au fait que le monde recule en matière d’inégalité, de changement climatique, de recul de la diversité biologique, et d’empreinte écologique, et progresse en termes de déchets et de pollution.

Il indique : « Certaines de ces tendances négatives annoncent un mouvement vers le franchissement de points de basculement négatifs, qui engendreraient des changements dramatiques dans les conditions du système Terre irréversibles à l’échelle temporelle de la société. Des évaluations récentes montrent que, sur la base des tendances actuelles, les systèmes biophysiques sociaux et naturels du monde ne peuvent pas soutenir les aspirations du bien-être humain universel consacrées dans les Objectifs de développement durable. »

Les décideurs politiques ont été exhortés à envisager les ODD de manière holistique, en saisissant l’occasion d’établir des relations entre les différentes cibles et objectifs des ODD, et à réfléchir davantage aux systèmes sous-jacents qui doivent être pris en compte. Le rapport mettait en évidence six points d’entrée et quatre leviers de changement afin d’intensifier les progrès dans la mise en œuvre des ODD.

Les six points d’entrée :

  • capacités et bien-être humains
  • économies durables
  • décarbonation de l’énergie et accès à l’énergie
  • alimentation et nutrition
  • développement urbain et péri-urbain
  • biens communs au niveau mondial.

Les quatre leviers du changement :

  • gouvernance
  • économie et finance
  • action individuelle et collective
  • science et technologie.

L’économie et la finance, comme la science et la technologie, ne doivent pas constituer des fins en soi, mais être des moyens d’affronter les priorités de la société. Chaque levier, associé à chaque point d’entrée pour la transformation, comprend une voie adaptée au contexte qui doit être identifiée et convenue par les acteurs concernés au sein de différentes instances de gouvernance.

Les recommandations suivantes tiennent compte de ces orientations mondiales, tout en les reliant à la situation des peuples autochtones et des communautés locales telle que décrite dans ce rapport :

  • les peuples autochtones et les communautés locales devraient intensifier les actions individuelles et collectives dans l’exercice de l’autodétermination et du développement durable, guidés par leurs valeurs culturelles et spirituelles et les soins à apporter à leurs terres d’origine et à la nature;
  • ; les peuples autochtones et les communautés locales devraient renouveler et approfondir le holisme et l’intégration dans la création de savoirs intergénérationnels et la résolution des problèmes, en promouvant une compréhension des liens entre : la nature et la culture, le local et le mondial, l’autodétermination et les partenariats, et les actions immédiates et à long terme;
  • ; les peuples autochtones et les communautés locales devraient approfondir et élargir l’utilisation des systèmes communautaires de surveillance et d’information comme outil de gouvernance autonome, et pour une transparence et une prise de responsabilités accrues de tous les acteurs à tous les niveaux, en étayant les preuves et les connaissances pour la transformation, tout en incluant les anciens et les jeunes, les femmes et les hommes, et les personnes handicapées;
  • les gouvernements et tous les acteurs devraient appliquer les principes des droits humains et les principes démocratiques à tous les niveaux de la gouvernance, en assurant le holisme, l’inclusivité et la justice sociale pour affronter les défis de la diversité biologique et du climat, assurant ainsi des avantages multiples pour l’ensemble de la société;
  • tous les acteurs devraient établir des partenariats pour générer des connaissances et pour des résultats durables et équitables à travers : le respect et la reconnaissance des savoirs autochtones et locaux et d’autres systèmes de connaissances complémentaires aux sciences, la recherche participative communautaire, l’éducation pour le développement durable, les technologies appropriées et innovantes, et la création de plateformes de connaissance regroupant différents acteurs.
A young man from the Wampis Nation speaks at a meeting. Credit: Pablo Lasansky.
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Jeunes membres de la Nation Wampis lors d’une réunion. Photo : Pablo Lasansky.

Ressources essentielles

References

  1. Nations Unies (n.d.) Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Sustainable Development Goals Knowledge Platform. New York : Organisation des Nations Unies. Disponible sur : https://sustainabledevelopment.un.org/post2015/transformingourworld
  2. Nations Unies (n.d.) Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Sustainable Development Goals Knowledge Platform. New York : Organisation des Nations Unies. Disponible sur : https://sustainabledevelopment.un.org/post2015/transformingourworld
  3. Programme des Nations Unies pour l’environnement (2017) Indigenous people and nature: a tradition of conservation.Nairobi : Programme des Nations Unies pour l’environnement. Disponible sur : https://www.unenvironment.org/news-and-stories/story/indigenous-people-and-nature-tradition-conservation
  4. Raygorodetsky, G. (2018) « Indigenous peoples defend Earth’s biodiversity – but they’re in danger » National Geographic.Washington, D.C. : National Geographic. Disponible sur : https://www.nationalgeographic.com/environment/2018/11/can-indigenous-land-stewardship-protect-biodiversity-/
  5. UNESCO (n.d.) « Peuples autochtones. » Disponible sur : https://fr.unesco.org/indigenous-peoples
  6. Résolution 70/L.59 de l’Assemblée générale des Nations Unies, Culture et développement durable, A/C.2/70/L.59, (8 décembre 2015).
  7. IPBES (2019) Summary for policymakers of the global assessment on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. S. Díaz, J. Settele, E. S. Brondízio E.S., H. T. Ngo, M. Guèze, J. Agard, A. Arneth, P. Balvanera, K. A. Brauman, S. H. M. Butchart, K. M. A. Chan, L. A. Garibaldi, K. Ichii, J. Liu, S. M. Subramanian, G. F. Midgley, P. Miloslavich, Z. Molnár, D. Obura, A. Pfaff, S. Polasky, A. Purvis, J. Razzaque, B. Reyers, R. Roy Chowdhury, Y. J. Shin, I. J. Visseren-Hamakers, K. J. Willis, et C. N. Zayas (éd.). Bonn, Allemagne : IPBES. Disponible sur : https://doi.org/10.5281/zenodo.3553579

    Ressources essentielles GIEC (2019) « Summary for Policymakers », in Shukla, P.R., Skea, J., Calvo Buendia, E., Masson-Delmotte, V., Pörtner, H.-O., Roberts, D.C., Zhai, P., Slade, R., Connors, S., van Diemen, R., Ferrat, M., Haughey, E., Luz, S., Neogi, S., Pathak, M., Petzold, J., Portugal Pereira, J., Vyas, P., Huntley, E., Kissick, K., Belkacemi, M., Malley, J. (éd.) Climate Change and Land: an IPCC special report on climate change, desertification, land degradation, sustainable land management, food security, and greenhouse gas fluxes in terrestrial ecosystems. Genève : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Disponible sur : https://www.ipcc.ch/srccl/chapter/summary-for-policymakers/

  8. Butchart, S. H. M., Miloslavich, P., Reyers, B. et Subramanian, S. M. (projet) « Chapter 3. Assessing Progress towards Meeting Major International Objectives Related to Nature and Nature’s Contributions to People », in IPBES Global Assessment on Biodiversity and Ecosystem Services. Bonn: IPBES.
  9. Northwest Treaty Tribes (2014) Suquamish Tribe, Agencies Restore Eelgrass Beds On Bainbridge Island. Northwest Treaty Tribes. Disponible sur : https://nwtreatytribes.org/suquamish-tribe-agencies-restore-eelgrass-beds-bainbridge-island/
  10. Nation Suquamish (n.d.) Salmon Recovery. Suquamish : Nation suquamish. Disponible sur : https://suquamish.nsn.us/home/departments/fisheries/finfish/salmon-recovery/
  11. Morris, A. (2017) Bringing Back the Bison. Washington, D.C. : New Geographic. Disponible sur : https://blog.nationalgeographic.org/2017/05/02/bringing-back-the-bison/
  12. État de Hawaii (2015) Support restoration of Hawaiian fishponds through permitting, community projects, and technical assistance. Open Performance Hawaii. Disponible sur : https://dashboard.hawaii.gov/stat/goals/25ji-kwv7/s6mu-ui3j/hymx-icse
  13. National Geographic (n.d.) Jon Waterhouse. Washington, D.C. : National Geographic. Disponible sur : https://blog.nationalgeographic.org/author/jwaterhouse/
  14. Grand groupe des peuples autochtones pour le développement durable (n.d.) Grand groupe des peuples autochtones pour le développement durable. Baguio et San Francisco : Grand groupe des peuples autochtones pour le développement durable. Disponible sur : https://indigenouspeoples-sdg.org/index.php/english/

    Grand groupe des peuples autochtones pour le développement durable (2019) Inclusion, Equality, and Empowerment to Achieve Sustainable Development: Realities of Indigenous Peoples. Baguio et San Francisco : Grand groupe des peuples autochtones pour le développement durable. Disponible sur : https://www.indigenouspeoples-sdg.org/index.php/english/all-resources/ipmg-position-papers-and-publications/ipmg-reports/global-reports/124-inclusion-equality-and-empowerment-to-achieve-sustainable-development-realities-of-indigenous-peoples/file
  15. Hall, G. et Gandolfo, A. (2016) Poverty and exclusion among Indigenous Peoples: The global evidence. Washington, D.C. : Voices, World Bank Blogs. Disponible sur : https://blogs.worldbank.org/voices/poverty-and-exclusion-among-indigenous-peoples-global-evidence

    Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones (2016) Indigenous Peoples and the 2030 Agenda. New York : Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. Disponible sur : https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/wp-content/uploads/sites/19/2016/08/Indigenous-Peoples-and-the-2030-Agenda.pdf
  16. Pape François (2015) Lettre encyclique Laudato Si’ du Saint-Père François sur la sauvegarde de la maison commune. Vatican : Saint-Siège. Disponible sur : http://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html
  17. Groupe de scientifiques indépendants désignés par le Secrétaire général, Rapport mondial sur le développement durable (2019). The Future is Now – Science for Achieving Sustainable Development. New York : Organisation des Nations Unies.
  18. Cultural Survival (2017) « What do the Sustainable Development Goals mean for indigenous peoples? » Disponible sur : https://www.culturalsurvival.org/news/what-do-sustainable-development-goals-mean-indigenous-peoples
  19. Assemblée générale des Nations Unies (2012) Extrême pauvreté et droits de l’homme : Note du Secrétaire général. A/HRC/21/39. New York : Assemblée générale des Nations Unies. Disponible sur : https://undocs.org/fr/A/HRC/21/39
  20. Navigateur autochtone (2017) Making the Sustainable Development Goals Work for Indigenous Peoples via Community-generated Data.Baguio : Navigateur autochtone. Disponible sur : http://nav.indigenousnavigator.com/images/Press/27-april-2017-press-release-making-the-sdgs-work-for-Indigenous-peoples.pdf
  21. Le Navigateur autochtone est une initiative mondiale constituée de six partenaires organisés en consortium : Asian Indigenous Peoples Pact, Tebtebba, International Work Group for Indigenous Affairs, Forest Peoples Programme, l’Institut danois des droits de l’homme et l’Organisation internationale du travail. L’outil est en phase pilote dans 11 pays et peut être utilisé par les peuples autochtones et les communautés locales.
  22. Le tableau présente une idée de la tendance et du statut de la prise en compte de ces questions par les peuples autochtones et les communautés locales.
  23. Groupe de scientifiques indépendants désignés par le Secrétaire général, Rapport mondial sur le développement durable (2019). The Future is Now Science for Achieving Sustainable Development. New York : Organisation des Nations Unies.