Objectif 16 : le Protocole de Nagoya est en vigueur et opérationnel

D’ici à 2015, le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation est en vigueur et opérationnel, conformément à la législation nationale.

Messages principaux

  • La mise en œuvre du Protocole de Nagoya reste difficile, notamment la promotion de la participation pleine et effective des peuples autochtones et des communautés locales.
  • L’adoption d’une approche fondée sur les droits humains à l’accès et au partage des avantages, l’intégration du Protocole de Nagoya dans un cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 holistique, généreront de nouvelles occasions de nombreux arrangements de partage des avantages avec les peuples autochtones et les communautés locales.
  • L’application d’approches innovantes, comme le partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources biologiques et le commerce de produits biologiques, et le respect et l’application de la reconnaissance juridique de différents protocoles communautaires et du droit communautaire, ouvre la voie à des partenariats plus fréquents entre gouvernements, secteur privé, et peuples autochtones et communautés locales.
A farmer harvesting rooibos. Credit: Natural Justice.
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Un agriculteur récolte le rooibos. Photo : Natural Justice.
A family taking a herbal bath. The bath is prepared by boiling leaves, plants and tree bark to create a traditional bath with medicinal properties and a pleasant aroma. The stem of black cardamom (thao qua) is also used in the preparation. Credit: Ian Teh.
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Famille prenant un bain aux herbes. Le bain est préparé en faisant bouillir des feuilles, des plantes et de l’écorce d’arbre pour créer un bain traditionnel aux propriétés médicinales et aux senteurs agréables. La tige de la cardamome noire (thao qua) est également utilisée dans la préparation. Photo : Ian Teh.

Signification de l’objectif 16 pour les peuples autochtones et les communautés locales

« Les peuples autochtones ont le droit de préserver, de contrôler, de protéger et de développer leur patrimoine culturel, leur savoir traditionnel et leurs expressions culturelles traditionnelles ainsi que les manifestations de leurs sciences, techniques et culture, y compris leurs ressources humaines et génétiques, leurs semences, leur pharmacopée, leur connaissance des propriétés de la faune et de la flore, leurs traditions orales, leur littérature, leur esthétique, leurs sports et leurs jeux traditionnels et leurs arts visuels et du spectacle. Ils ont également le droit de préserver, de contrôler, de protéger et de développer leur propriété intellectuelle collective de ce patrimoine culturel, de ce savoir traditionnel et de ces expressions culturelles traditionnelles.

« En concertation avec les peuples autochtones, les États prennent des mesures efficaces pour reconnaître ces droits et en protéger l’exercice. »

— Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Le Protocole de Nagoya va plus loin que la CDB dans l’énonciation des droits des peuples autochtones et des communautés locales à un partage des avantages juste et équitable, à des conditions arrêtées d’un commun accord, découlant de l’utilisation des ressources génétiques détenues par les peuples autochtones et les communautés locales et leurs savoirs traditionnels associés. Le protocole précise que cela comprend :

  • les droits au consentement préalable éclairé, en cas d’accès aux savoirs traditionnels associés à des ressources génétiques ;
  • les droits de disposer de leurs lois coutumières, protocoles et procédures communautaires, qui doivent être pris en compte par les Parties lors de la mise en œuvre de leurs obligations en vertu du protocole ;
  • les droits à l’absence de restrictions quant à l’utilisation coutumière et l’échange de ressources génétiques et savoirs traditionnels associés.

Le rôle distinct et les contributions des femmes aux processus d’accès et de partage des avantages sont également reconnus.

Les peuples autochtones et les communautés locales sont responsables d’une diversité biologique et génétique considérable des végétaux et des animaux. Néanmoins, la mise en œuvre de toutes ces dispositions laisse une grande discrétion aux gouvernements concernant les arrangements juridiques, politiques et administratifs nationaux, et la manière de mettre en œuvre le Protocole de Nagoya.

L’expérience en termes de mise en œuvre nationale met en évidence une grande latitude dans les occasions et les risques, avec des résultats potentiels qui dépendent fortement de la participation significative des peuples autochtones et des communautés locales à l’opérationnalisation et à la mise en œuvre nationales du Protocole de Nagoya.1 Un cadre national de politiques ancré dans une approche à l’accès et au partage des avantages fondée sur les droits humains, conforme au droit international et respectueuse des normes coutumières, constitue un socle solide pour la réalisation des avantages pour les peuples autochtones et les communautés locales, tel qu’envisagés dans le Protocole de Nagoya.2

. Difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du Protocole de Nagoya

À ce jour, la mise en œuvre du Protocole de Nagoya reste limitée, y compris celle des dispositions portant directement sur les peuples autochtones et les communautés locales, et celles où ils disposent de droits reconnus aux ressources génétiques. La décision de la CMP adoptée par les Parties au Protocole de Nagoya identifiait les priorités et les défis pratiques relatifs aux peuples autochtones et aux communautés locales, notamment : déterminer de quelle manière le concept de « peuples autochtones et communautés locales » s’applique à l’échelle nationale ; établir les droits des peuples autochtones et communautés locales à l’égard des ressources génétiques et/ou des connaissances traditionnelles associées à ces ressources ; recenser les différents groupes de peuples autochtones et communautés locales ; mieux comprendre leur mode d’organisation ; et nouer des liens entre les connaissances traditionnelles et les détenteurs de ces connaissances.3

Les actions suivantes sont envisagées : renforcer les capacités des Parties et des peuples autochtones et communautés locales concernant les questions relatives à l’accès et au partage des avantages ; faire fond sur les travaux pertinents du Groupe de travail sur l’article 8(j) sur le concept de peuples autochtones et de communautés locales ; mettre en place des mécanismes nationaux pour la participation des peuples autochtones et des communautés locales ; faciliter la coordination et la consolidation des institutions dans, et parmi, les peuples autochtones et les communautés locales afin de résoudre les questions d’accès et de partage des avantages, en élaborant notamment des protocoles communautaires ; et renforcer les capacités de soutenir les peuples autochtones et les communautés locales dans l’élaboration des exigences minimales pour des conditions convenues d’un commun accord et des clauses contractuelles types, aux fins du partage des avantages.

Bon nombre des défis mentionnés ci-dessus ont été soigneusement pris en compte dans l’Accord sur le partage des avantages du rooibos (voir l’encadré 37), qui montre comment des conditions favorables peuvent être mises en place, avec des leçons applicables bien au-delà de l’expérience d’Afrique australe.

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Encadré 37

Vente du rooibos produit par les Khoi-San. Photo : Ivan Vaalbooi.
Selling rooibos tea produced by the Khoi-San. Credit: Ivan Vaalbooi.

Étude de cas : l’Accord sur le partage des avantages du rooibos : innover en termes de respect, d’honnêteté, d’équité et de soin, Afrique du Sud

Le texte ci-dessous est le résumé de l’article de Schroeder et al. publié en 2019 dans la revue Cambridge Quarterly of Healthcare Ethics.4

« La Convention sur la diversité biologique (CDB) et son Protocole de Nagoya de 2010 constituèrent une avancée décisive dans l’élaboration de politiques au niveau mondial. Ils associaient préoccupation pour l’environnement et engagement à résoudre des injustices humaines de longue date concernant l’accès aux ressources biologiques et leur utilisation. En particulier, les savoirs traditionnels des communautés autochtones n’allaient plus être exploités sans partage des avantages juste. Toutefois, pendant les 25 années qui suivirent l’adoption de la CDB, aucun accord majeur en matière de partage des avantages n’a mené à des flux de financements conséquents pour les communautés autochtones. Cela a changé avec la signature de l’Accord sur le partage des avantages du rooibos en Afrique du Sud.

— Lire l’étude de cas complète

Contributions et expériences des peuples autochtones et des communautés locales relatives à l’objectif 16

Des expériences au Sri Lanka (voir l’encadré 38) et au Kenya (voir l’encadré 39) montrent comment les peuples autochtones et les communautés locales utilisent des protocoles communautaires pour concilier systèmes juridiques et institutionnels modernes et systèmes et procédures de droit coutumier afin de faire face aux préoccupations prioritaires au sein de leurs pays et communautés.

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Encadré 38 : Association des guérisseurs traditionnels des piqûres venimeuses et Nirmanee Development Foundation

Le Protocole bioculturel met en évidence les liens importants entre la population et la diversité biologique dans le District de Kegalle. Photo : Nuwan Liyanage.
The Bio-Cultural Protocol highlights the important connections between people and biodiversity in the Kegalle District. Credit: Nuwan Liyanage.

Étude de cas : protocole bioculturel des guérisseurs traditionnels des morsures de serpent, Sri Lanka

Le protocole bioculturel des guérisseurs natifs du District de Kegalle dans la Province de Sabaragamuwa au Sri Lanka est un document complet qui porte sur le patrimoine intergénérationnel, les savoirs médicaux traditionnels, leur connaissance des serpents et d’autres animaux, et des méthodes de traitement et variétés de médicaments extraordinaires. Il décrit l’unité de la nature et de la culture, les croyances, valeurs et les modes de vie qui affectent la protection de la diversité biologique, ainsi que les défis que rencontrent actuellement les guérisseurs traditionnels, tels que décrits dans le court extrait ci-dessous, modifié pour la publication.

— Lire l’étude de cas complète
Flamingoes on Lake Bogoria. Credit: Gudkov Andrey.
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Flamants sur le lac Bogoria. Photo : Gudkov Andrey.
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Encadré 39 : Cicilia Githaiga, Responsable de programme des Programmes sur les savoirs traditionnels et le partage des avantages, et la conservation et l’utilisation durable chez Natural Justice, et Eric K. Kimalit, Président du Conseil d’administration du Endorois Welfare Council

Étude de cas : l’élaboration du protocole bioculturel du peuple Endorois, Kenya

La communauté endorois vit sur les rives du lac Bogoria et dans d’autres régions du Comté de Baringo, et dans les Comtés de Nakuru et Laikipia dans la Vallée du Grand Rift au Kenya. Nous considérons la forêt de Mochongoi et le lac Bogoria comme des terres sacrées et les utilisons pour les grandes cérémonies culturelles et religieuses. La communauté a été expulsée plusieurs fois de ses terres ancestrales, et l’expulsion de 1973 a abouti à l’inscription au journal officiel du lac Bogoria comme réserve nationale. La communauté a déposé une plainte auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et a atteint son objectif lorsque le Gouvernement du Kenya a ordonné des restitutions et compensations en 2010.

— Lire l’étude de cas complète

Les protocoles communautaires sont généralement holistiques et se concentrent sur les priorités et les préoccupations des peuples autochtones et des communautés locales en fonction de leurs besoins dans des lieux et des contextes spécifiques. L’application d’approches innovantes et fondées sur les droits au partage des avantages, avec la reconnaissance juridique de protocoles communautaires divers et du droit coutumier, ouvre la voie à un plus grand nombre de partenariats entre les gouvernements, le secteur privé et les peuples autochtones et les communautés locales. Après avoir examiné plusieurs exemples de protocoles communautaires élaborés en Afrique, et en avoir tiré des enseignements, des chercheurs proposent les conclusions suivantes concernant la mise en œuvre de l’accès et du partage des avantages en Afrique :

«… la mise en œuvre de l’accès et du partage des avantages [access and benefit-sharing] a plus de sens pour les communautés si elle adopte une perspective large et stratégique : en accordant aux communautés des droits sur leurs ressources génétiques, y compris des obligations pour les utilisateurs nationaux dans leurs cadres nationaux d’accès et de partage des avantages, et en associant l’accès et le partage des avantages au commerce de produits biologiques et à des possibilités de mise en valeur locales et nationales. Du point de vue d’une communauté, la distinction entre ce qui constitue l’utilisation au sens strict du Protocole de Nagoya, et la séparation des savoirs traditionnels de l’utilisation des ressources qui y sont associés, peut être très artificielle. »5

Intégrer le Protocole de Nagoya dans le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 donne la possibilité de maximiser les arrangements de partage des avantages avec les peuples autochtones et les communautés locales à travers des synergies avec d’autres instruments internationaux, comme les droits des agriculteurs consacrés par le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, l’Initiative « Bio Trade » de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, et les Objectifs de développement durable des Nations Unies, étayées par une approche fondée sur les droits humains, et sur l’objectif de ne pas faire de laissés-pour-compte.

Occasions et actions recommandées

Les peuples autochtones et les communautés locales peuvent consolider leur capacité de participer aux arrangements d’accès et de partage des avantages en :

  • identifiant des représentants communautaires et des autorités compétentes ;
  • élaborant des processus pour convenir d’arrêtés communautaires et/ou de protocoles communautaires ;
  • étudiant les processus politiques et législatifs nationaux et régionaux et en y participant, comme les Lignes directrices pratiques de l’Union africaine pour la mise en œuvre coordonnée du Protocole de Nagoya en Afrique ;
  • demandant des conseils juridiques et techniques au sujet des négociations avec des tierces parties ;
  • consolidant la surveillance communautaire, notamment la participation aux points de contrôle nationaux et régionaux.

Tous les utilisateurs des ressources biologiques et des savoirs traditionnels associés devraient être informés des accords sur l’accès et le partage des avantages des peuples autochtones et des communautés locales, et être prêts à négocier de tels accords, tout en respectant les protocoles communautaires et les règlements nationaux.

Les gouvernements, en partenariat avec les peuples autochtones et les communautés locales, devraient adopter une politique de portée générale, des cadres juridiques et des orientations conformes à leurs nombreuses obligations internationales, y compris de reconnaissance des droits aux ressources traditionnelles des peuples autochtones et des communautés locales et des savoirs traditionnels qui y sont associés. Cela comprend :

  • la reconnaissance des droits des peuples autochtones et des communautés locales à leurs terres, territoires et ressources et aux savoirs traditionnels associés, et garantir la participation pleine et effective des peuples autochtones et des communautés locales aux processus nationaux en matière d’accès et de partage des avantages ;
  • la mise en place de mécanismes pour faciliter des arrangements équitables de partage des avantages entre les peuples autochtones et les communautés locales et les utilisateurs des ressources biologiques et des savoirs traditionnels associés, y compris l’accès à l’expertise juridique et à la médiation à tous les niveaux, en partenariat avec les peuples autochtones et les communautés locales ;
  • la définition d’indicateurs structurels, de processus et de résultats pour surveiller la mise en œuvre du Protocole de Nagoya en conformité avec d’autres instruments mondiaux qui promeuvent le partage des avantages avec les peuples autochtones et les communautés locales ;
  • la promotion du pluralisme juridique et des interfaces entre droit local, national et international, y compris le respect et la reconnaissance des protocoles communautaires, du droit coutumier et des institutions coutumières des peuples autochtones, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.

Ressources essentielles

  • Convention sur la diversité biologique (2018) Évaluation et examen de l’efficacité du Protocole (article 31). Décision adoptée par les Parties au Protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des avantages 3/1. CBD/NP/MOP/DEC/3/1. Montréal : Convention sur la diversité biologique.
  • Tobin, B.M. (2013) « Bridging the Nagoya compliance gap: The fundamental role of customary law in protection of indigenous peoples’ resource and knowledge rights ». Law, Environment and Development Journal9(2).
  • Lassen, B., Jansen, L., Rasolojaona, J., Githaiga, C., Fey, L. et Bossou, B. (2018) Community protocols in Africa: Lessons learned for ABS implementation. Natural Justice et The ABS Capacity Development Initiative. Disponible sur : https://naturaljustice.org/wp-content/uploads/2018/11/2018_Community-Protocols-in-Africa_Lessons-Learned_Natural-Justice.pdf
  • Ruiz, M. et Vernooy, R. The custodians of biodiversity: Sharing access to and benefits of genetic resources. Londres : Routledge.
  • Schroeder, D., Chennells, R., Louw, C., Snyders, L., et Hodges, T. (2019). ‘The Rooibos Benefit Sharing Agreement–breaking new ground with respect, honesty, fairness, and care’. Cambridge Quarterly of Healthcare Ethics 29(2), pp. 285–301.

References

  1. Tobin, B.M. (2013) « Bridging the Nagoya compliance gap: The fundamental role of customary law in protection of indigenous peoples’ resource and knowledge rights ». Law, Environment and Development Journal9(2).
  2. Ruiz, M. et Vernooy, R. The custodians of biodiversity: Sharing Access to and benefits of genetic resources. Londres : Routledge.
  3. Convention sur la diversité biologique (2018) Évaluation et examen de l’efficacité du Protocole (article 31). Décision adoptée par les Parties au Protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des avantages 3/1. CBD/NP/MOP/DEC/3/1. Montréal : Convention sur la diversité biologique.
  4. Schroeder, D., Chennells, R., Louw, C., Snyders, L., et Hodges, T. (2019). « The Rooibos Benefit Sharing Agreement – Breaking new ground with respect, honesty, fairness, and care ». Cambridge Quarterly of Healthcare Ethics 29(2), pp. 285–301.
  5. Lassen, B., Jansen, L., Rasolojaona, J., Githaiga, C., Fey, L. et Bossou, B. (2018) Community protocols in Africa: Lessons learned for ABS implementation. Natural Justice et The ABS Capacity Development Initiative. Disponible sur : https://naturaljustice.org/wp-content/uploads/2018/11/2018_Community-Protocols-in-Africa_Lessons-Learned_Natural-Justice.pdf