Objectif 1 : prise de conscience de la progression de la diversité biologique

D’ici à 2020 au plus tard, les individus sont conscients de la valeur de la diversité biologique et des mesures qu’ils peuvent prendre pour la conserver et l’utiliser de manière plus durable.

Messages principaux

  • La vision à l’horizon 2050 d’un monde qui « vit en harmonie avec la nature »1 exige un changement radical de paradigme dans les systèmes de valeur, pour s’écarter des seules valeurs économiques et aller vers des systèmes de valeur qui mettent l’accent sur les liens entre les personnes, la nature et le « vivre bien ».
  • De nombreux peuples autochtones et communautés locales ont des systèmes de valeurs qui incarnent les principes du respect, de la réciprocité et d’une vie éthique, qui doivent être soutenus et consolidés contre l’érosion culturelle.
  • Le partage plus large de ces systèmes de valeurs au sein des systèmes d’éducation et avec le grand public contribue de manière significative à modifier la perception des perspectives interculturelles et des différentes valeurs liées à la diversité biologique.

Signification de l’objectif 1 pour les peuples autochtones et les communautés locales

« La valeur accordée aux ressources naturelles par l’État et les entreprises est une valeur exprimée en dollars. Pour nous, ce n’est pas la même chose. La Mère nature est plus qu’une valeur en dollars. Elle fait partie de qui nous sommes. »

— Cristina Coc, Q’eqchi autochtone, Alliance des dirigeants maya2
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Encadré 1 : John Bamba3

valeurs relationnelles avec la nature : les Jalai Daya dans le Kalimantan, Indonésie

Chez les Jalai Daya au Kalimantan, en Indonésie, une vie idéale peut être réalisée en vivant conformément aux valeurs culturelles suivantes :

  • durabilité (diversité biologique) versus productivité (monoculture)
  • collectivité (coopération) versus individualité (compétition)
  • naturel (organique) versus artificiel (inorganique)
  • spiritualité (rituel) versus rationalité (scientifique)
  • processus (efficacité) versus résultat (efficience)
  • subsistance (domestique) versus commercial (marché)
  • droit coutumier (local) versus droit étatique (global).

La non-réalisation de ces idéaux donnerait lieu à ce qui est appelé barau(situation dans laquelle la nature ne fonctionne pas normalement, provoquant le chaos). Barauest le résultat de la transgression de adat(pratique coutumière), lorsque la relation avec la nature est rompue.

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De nombreux peuples autochtones et communautés locales vivent selon les principes et les valeurs relatifs au concept du bien vivre (par exemple en Équateur sumak kawsay4, ou buen vivir, se réfère au fait de bien vivre en harmonie avec la nature). Généralement, ces approches holistiques mettent l’accent sur les sources locales d’aliments et de moyens de subsistance, la solidarité communautaire, la gouvernance intergénérationnelle, les écosystèmes résilients, le lien spirituel, économique et social aux terres et territoires, la protection des systèmes de transfert de connaissances, l’utilisation coutumière durable des ressources, et le partage collectif des avantages. La nature est davantage susceptible d’être protégée et conservée sur les terres et les territoires des peuples autochtones et des communautés locales où ces principes sont mis en œuvre et défendus.

Ne voyant pas la nature (ou la diversité biologique) comme une entité externe séparée, les peuples autochtones et les communautés locales constituent un contrepoids important au paradigme « occidental» dominant. Pour pouvoir affronter la crise environnementale actuelle, il sera essentiel pour les peuples et les sociétés d’adopter des cadres de valeurs holistiques davantage axés sur les relations, qui mettent en exergue la vie en harmonie avec la nature.5

. Contributions et expériences des peuples autochtones et des communautés locales relatives à l’objectif 1

Les peuples autochtones et les communautés locales ont activement redynamisé, restauré et protégé leurs savoirs et valeurs par la création d’espaces d’apprentissage et de partage des connaissances intergénérationnels, principalement au sein des communautés et dans les langues locales. Les activités spécifiques comprennent l’élaboration de programmes d’apprentissage intergénérationnels, la création d’espaces d’apprentissage sensibles aux particularités culturelles, l’organisation d’événements communautaires axés sur la nature et la culture, la mise en place de formations communautaires, et de centres juridiques et d’informations, et la production de ressources à des fins d’éducation en collaboration avec le gouvernement. Les initiatives peuvent être améliorées par l’utilisation des technologies modernes, par exemple pour enregistrer les anciens et sauvegarder les connaissances dans des bases de données sécurisées.

Création d’espaces d’apprentissage et d’événements culturels sensibles aux particularités culturelles

Les espaces et activités d’apprentissage sensibles aux particularités culturelles offrent des possibilités de partage des cultures et identités, notamment des valeurs et des connaissances. Ils permettent de faire renaître un sentiment de fierté et constituent également des occasions pour chacun de développer ses connaissances et sa compréhension.

  • En Malaisie, PACOS Trust (Partners of Community Organizations in Sabah (PACOS) Trust) a travaillé avec 22 partenaires villageois afin d’établir des centres d’apprentissage communautaires et des jardins d’enfants communautaires où enseignants et élèves sont eux-mêmes des villageois. Aujourd’hui, bon nombre de ces centres servent également de bibliothèques et d’espaces pour la participation et les activités communautaires, telles que débats, assemblées villageoises, ateliers, et centres de secours.
  • La Journée internationale des peuples autochtones est célébrée chaque année le 9 août. Des festivals culturels et gastronomiques ont été organisés au Suriname, au Cambodge et au nord-est de l’Inde, alors qu’au Vietnam et au Timor-Leste des ateliers sur la langue maternelle et l’apprentissage intergénérationnel ont été organisés. Au Bangladesh et au Népal, des tables rondes et des réunions avec des responsables gouvernementaux ont été organisées. Aux États-Unis, la célébration de la Journée des peuples autochtones à la place du Jour de Christophe Colomb revêt une importance de plus en plus appréciée. Onze États (Alaska, Louisiane, Maine, Michigan, Minnesota, Nevada, Nouveau-Mexique, Oregon, Dakota du Sud, Vermont et Wisconsin) célèbrent une certaine forme de Journée des peuples autochtones, tout comme une centaine de villes, dont Washington DC.6
  • En Russie, le premier jardin d’enfants nomade fut créé par des éleveurs de rennes et leurs communautés en Yakoutie, en 1992. Il a été conçu afin que les enseignants se déplacent avec les éleveurs lors de leurs déplacements à travers la toundra. À cette époque, la Yakoutie était autonome par rapport au gouvernement fédéral et les communautés faisaient ce qu’elles considéraient nécessaire pour leurs enfants (la Yakoutie est maintenant un district autonome, ou okrug, de la Russie). Les autorités locales soutinrent l’initiative et allouèrent des fonds pour les salaires des enseignants, mais toutes les autres dépenses (par ex. frais de transport, gaz, logement, yourtes pour l’hiver, livres spéciaux, consommables servant à la formation) étaient couvertes par les communautés. À la fin des années 1990, sept écoles nomades existaient en Yakoutie. Au début du 21e siècle, cette initiative fut progressivement reproduite dans d’autres régions arctiques de la Russie, dans les districts autonomes de Iamalo-Nénétsie et Khantys-Mansis, les républiques de Komi et de Sakha, et la région d’Arkhangelsk. Depuis 2003, ces écoles reçoivent un soutien limité de la part de l’UNESCO et de fondations étrangères, ce qui les a rendues populaires et a élevé leur statut, et a résulté en des financements accrus de la part des régions et des autorités officielles. Ces écoles ont donné d’excellents résultats et sensibilisé à l’importance des éleveurs de rennes qui mènent une vie nomade.78

Les peuples autochtones et les communautés locales ont mené un large éventail d’activités pour partager leurs valeurs et leurs visions du monde, tant au sein de leurs communautés qu’à travers la participation du grand public, notamment en défendant certaines politiques, au moyen de campagnes de communication et d’informations, et de programmes d’éducation, entre autres dans les principaux programmes scolaires. Ils s’attellent également à s’assurer que leurs valeurs différentes soient transmises aux générations futures, et que les jeunes développent les compétences nécessaires à poursuivre la sensibilisation sur ces questions.

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Encadré 2 Étude de cas : ateliers de leadership environnemental pour les jeunes autochtones dans la Province de Mountain, aux Philippines

Des lycéens partagent des idées de projets environnementaux à mettre en place localement. Photo : Paulo Kim.

Étude de cas : ateliers de leadership environnemental pour les jeunes autochtones dans la Province de Mountain, aux Philippines

De nombreuses initiatives dirigées par des jeunes autochtones contribuent à la réalisation des Objectifs d’Aichi pour la diversité biologique, et lorsqu’elles bénéficient d’un soutien, elles sont susceptibles de donner lieu à des changements positifs et à des innovations au sein des communautés. Cela nous est apparu clairement lors d’une série de séminaires-ateliers dirigés par des jeunes et consacrés au rôle de la jeunesse autochtone dans le leadership environnemental, que nous avions organisés pour des lycéens dans les communes de Besao et Sagada dans la Région de la Cordillère, aux Philippines. Le projet était soutenu par le programme Indigenous Leaders’ Conservation Fellowship de Conservation International.

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Encadré 3: Tatiana Degai, Conseil des Itelmens, « Tkhsanom »

Étude de cas : conservation du saumon, éducation autochtone, et co-production des connaissances au Kamchatka

La péninsule du Kamchatka sur la côte du Pacifique Nord de la Russie abrite 12 espèces de salmonidés, notamment six espèces de saumon sauvage du Pacifique. Il s’agit de la dernière région servant de réserve mondiale et de pool génétique pour le saumon. Le saumon constitue la richesse du Kamchatka et de ses peuples, et sa pérennité est déterminante pour les aspects économiques, spirituels et culturels de la vie locale.

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Fillette portant des vêtements réalisés en peaux de saumon. Photo : Itelmen crafts studio, Ujirit.
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Célébrations de la Journée nationale des peuples autochtones en Colombie britannique, Canada. Photo : Province de Colombie britannique.

Occasions et actions recommandées

  • Les peuples autochtones et les communautés locales devraient redonner du dynamisme à la transmission intergénérationnelle de leurs valeurs, cultures et langues, et célébrer les contributions particulières des anciens, des jeunes et des enfants, des hommes et des femmes, et leurs relations spirituelles avec la nature.
  • Les gouvernments, les organisations de la conservation et les institutions éducatives devraient promouvoir l’apprentissage et l’éducation interculturels, et la transmission des savoirs traditionnels, en s’appuyant sur des initiatives des peuples autochtones et des communautés locales, notamment celles qui sont pilotées par des femmes et des jeunes.
  • Les gouvernements et les institutions intergouvernementales devraient consolider et développer l’inclusion des valeurs et connaissances des peuples autochtones et des communautés locales dans les systèmes d’éducation principaux, notamment par une promotion active des langues autochtones, avec la participation significative de ces peuples et communautés, ainsi qu’en établissant avec eux des partenariats.

Ressources essentielles

  • Convention sur la diversité biologique (2018) The Sharm El-Sheikh Declaration on Nature and Culture. CBD/COP/14/INF/46. Montréal : Convention sur la diversité biologique.
  • Pape François (2015) Lettre encyclique Laudato Si’ du Saint-Père François sur la sauvegarde de la maison commune. Vatican : Saint-Siège. Disponible sur : http://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html
  • UNESCO Document final stratégique de l’Année internationale des langues autochtones 2019. Disponible sur : https://fr.iyil2019.org/

References

  1. Convention sur la diversité biologique (2018) « Long-term strategic directions to the 2050 vision for biodiversity, approaches to living in harmony with nature and preparation for the post-2020 Global Biodiversity Framework ». Note du Secrétaire exécutif. Disponible sur : https://www.cbd.int/doc/c/0b54/1750/607267ea9109b52b750314a0/cop-14-09-en.pdf
  2. Mrkusic, M., Virnig, A., Sommerschuh, M. et Ervin, J. (2018) « Land guardians: Securing indigenous land rights in Belize as a strategy to combat climate change » « Initiative Équateur » du Programme des Nations Unies pour le développement. Disponible sur: https://equatorinitiative.exposure.co/land-guardians
  3. Pour plus d’informations sur ce cas, veuillez consulter : Bamba, J. (2003). « ‘Seven Fortunes vs. Seven Calamities’: Cultural Poverty from an Indigenous Perspective ». In Indigenous Affairs 1/03 – Indigenous Poverty: An issue of rights and needs. Copenhague : International Work Group for Indigenous Affairs.
  4. TEBTEBBA (2012) Indigenous Peoples Contributions to Sustainable Development. Baguio : Tebtebba. Disponible sur : http://www.tebtebba.org/index.php/content/209-indigenous-peoples-contributions-to-sustainable-development
  5. Butchart, S. H. M., Miloslavich, P., Reyers, B. et Subramanian, S. M. (projet) « Chapter 3. Assessing Progress towards Meeting Major International Objectives Related to Nature and Nature’s Contributions to People », in IPBES Global Assessment on Biodiversity and Ecosystem Services.Bonn : IPBES.
  6. Indigenous Peoples Human Rights Defenders Network (2019) « Country celebration of The International Day of the World’s Indigenous Peoples ». Chiang Mai : Indigenous Peoples Human Rights Defenders Network. Disponible sur : https://iphrdefenders.net/the-international-day-worlds-indigenous-peoples-2019/
  7. Indigenous Peoples Human Rights Defenders Network (2019) « Country celebration of The International Day of the World’s Indigenous Peoples ». Chiang Mai : Indigenous Peoples Human Rights Defenders Network. Disponible sur : https://iphrdefenders.net/the-international-day-worlds-indigenous-peoples-2019/

    Al Jazeera (2019) « Which US States are celebrating Indigenous Peoples’ Day? ». Doha : Al Jazeera. Disponible sur : https://www.aljazeera.com/news/2019/10/states-celebrating-indigenous-people-day-191014172801125.html

    Fadel, L. (2019) « Columbus Day or Indigenous Peoples’ Day? ». Washington D.C. : NPR. Disponible sur : https://www.npr.org/2019/10/14/769083847/columbus-day-or-indigenous-peoples-day
  8. Agence de presse russe TASS (2017) « Russian Arctic regions organize nomadic kindergartens, schools ». Moscou : Agence de presse russe TASS. Disponible sur : https://tass.com/economy/941370

    Conseil de l’Arctique et Groupe de travail sur le développement durable (n.d.) « Arctic preschool education ». Conseil de l’Arctique et Groupe de travail sur le développement durable. Disponible sur : https://www.sdwg.org/activities/sdwg-projects-2017-2019/arctic-preschool-education/