Objectif 19 : partage d’informations et de connaissances

D’ici à 2020, les connaissances, la base scientifique et les technologies associées à la diversité biologique, ses valeurs, son fonctionnement, son état et ses tendances, et les conséquences de son appauvrissement, sont améliorées, largement partagées et transférées, et appliquées.

Messages principaux

  • Une collaboration accrue entre les gouvernements, les scientifiques et les peuples autochtones et communautés locales a consolidé nos connaissances générales en matière de valeurs, fonctions, statut et tendances de la diversité biologique, et a mis en lumière de nouvelles possibilités de politiques concernant la diversité biologique.
  • Un fossé profond existe entre la reconnaissance accrue de la valeur des savoirs traditionnels dans la politique mondiale et la négligence et la détérioration permanentes dont elle fait l’objet sur le terrain.
  • Relier différents systèmes de connaissances à différentes échelles et appliquer des indicateurs pertinents pour les peuples autochtones et les communautés locales exige un changement fondamental dans la programmation, les financements et le renforcement des capacités.

Signification de l’objectif 19 pour les peuples autochtones et les communautés locales

L’inclusion des savoirs autochtones et locaux parallèlement aux sciences, en tant que systèmes complémentaires de connaissances pour mieux comprendre les valeurs de la diversité biologique, le fonctionnement de la diversité biologique, son statut et ses tendances, et les conséquences de sa disparition à différentes échelles, représente l’une des grandes avancées de ces dernières années. Tel que déclaré par le Conseil consultatif scientifique du Secrétaire général des Nations Unies en 2016:1:

« La diversité culturelle comme source créative et moteur du développement durable… Différents systèmes de connaissances, qui englobent les sciences physiques et naturelles, les sciences sociales et les sciences humaines, ainsi que les systèmes de connaissances autochtones et locaux, revêtent tous une importance cruciale pour comprendre et affronter les défis et les occasions complexes pour les personnes et la planète. Tout comme la diversité biologique étaye la résilience des écosystèmes, la diversité culturelle étaye la résilience sociale pour le développement durable… Plutôt que d’impliquer un abandon de la tradition, la modernité devrait être mise à l’épreuve et rendue durable à la lumière des savoirs et des valeurs culturelles. »

Un exemple de l’importance grandissante accordée aux systèmes de connaissances autochtones et locaux est l’évaluation mondiale réalisée récemment par l’IPBES (voir l’encadré 43).

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Encadré 43 : Eduardo S. Brondizio (Indiana University Bloomington ; Co-président, IPBES Global Assessment on Biodiversity and Ecosystem Services), au nom des co-présidents, unités d’assistance technique et auteurs de l’évaluation mondiale de l’IPBES

Des membres de l’IIFB participent à une réunion du Groupe de travail sur l’article 8(j) et les dispositions connexes de la CDB à Montréal, novembre 2019. Photo : Tom Dixon.
Members of IIFB participate in a meeting of the CBD Working Group on Article 8( j) and related provisions in Montreal, November 2019. Credit: Tom Dixon.

Étude de cas : les savoirs scientifiques et les savoirs autochtones et locaux se sont complétés et enrichis mutuellement tout au long du processus d’évaluation mondiale de l’IPBES

Il était évident que réaliser le mandat de l’évaluation mondiale de la diversité biologique et des services écosystémiques de l’IPBES (Global Assessment on Biodiversity and Ecosystem Services) exigerait une approche complète et multidimensionnelle pour intégrer, synthétiser et étendre les contributions des savoirs, des pratiques et des innovations autochtones et locaux, et les questions qui concernent les peuples autochtones et les communautés locales, du niveau local au niveau mondial. Les données disponibles montrent que, bien que les systèmes de savoirs autochtones et locaux aient une base locale, ils se manifestent dans des paysages et écosystèmes régionaux, et sont pertinents au niveau mondial.

— Lire l’étude de cas complète
A botanist interviews indigenous Australians. Credit: Bill Bachman.
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Un botaniste interviewe des Australiens autochtones. Photo : Bill Bachman.

Contributions et expériences des peuples autochtones et des communautés locales relatives à l’objectif 19

Systèmes communautaires de surveillance et d’information

Les systèmes communautaires de surveillance et d’information (CBMIS) qui font usage d’indicateurs pertinents pour les peuples autochtones sont devenus plus fréquents ces dernières années2, puisque leur importance pour la gouvernance autonome est mieux comprise, et puisque le suivi du respect par les gouvernements et les entreprises de leurs obligations et engagements à l’échelon mondial a été accru.

Ces systèmes sont confrontés à de nombreux défis pour combler les lacunes en termes de collecte des données entre les échelons local et mondial. Bien qu’ils défendent la surveillance communautaire de la gouvernance locale et fassent usage d’indicateurs et approches pertinents pour les besoins de la communauté, les données générées peuvent également contribuer aux rapports et évaluations thématiques aux échelons national et mondial. Pour reprendre les propos de la Division de statistique des Nations Unies : « la collecte et la ventilation des données relatives aux peuples autochtones posaient des difficultés uniques en leur genre, qu’on cherche à disposer de données à des fins de comparaisons mondiales ou pour être utile aux populations autochtones elles-mêmes » .3 Dans le contexte de l’adoption d’indicateurs pour les ODD, l’approche de la promotion d’un « écosystème de données » — y compris des statistiques officielles et les contributions d’acteurs multiples à travers, par exemple, la surveillance scientifique et communautaire par les citoyens — cherche à garantir la disponibilité des meilleures données possibles pour la prise de décisions concernant des politiques portant sur l’avenir des populations et de la planète.

Les peuples autochtones ont également été actifs dans l’établissement de plateformes auto-pilotées et auto-dirigées pour améliorer le partage des savoirs dans le cadre des processus politiques mondiaux. Quelques-unes des plateformes et assemblées principales dirigées par des Autochtones sont présentées dans l’encadré 44.

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Encadré 44

Plateformes politiques et réseaux d’apprentissage mondiaux des peuples autochtones et des communautés locales

Les organisations et réseaux de peuples autochtones et communautés locales collaborent sur plusieurs plateformes mondiales afin de faire le suivi des progrès dans la mise en œuvre du programme mondial pour le développement durable, la diversité biologique et le changement climatique, dont quelques exemples sont décrits ci-dessous. Les données générées par des systèmes communautaires de surveillance et d’information éclairent les orientations politiques et l’engagement auprès des gouvernements et d’autres acteurs, établissant des liens entre les réalités communautaires et les rapports nationaux et évaluations et examens mondiaux.

LeForum international despeuples autochtones sur la biodiversitéet la CDB

Le Forum international des peuples autochtones sur la biodiversité collabore avec le Réseau des femmes autochtones sur la diversité biologique, les Centres de distinction des savoirs autochtones et locaux, le Forest Peoples Programme, et le Secrétariat de la CDB pour publier les Perspectives locales de la diversité biologique comme publication complémentaire aux Perspectives mondiales de la diversité biologique.

Le Forum international des peuples autochtones sur la biodiversité et les services écosystémiques et le réseau des Centres de distinction des savoirs autochtones et locaux, et, l’IPBES

Ils sont constitués d’organisations qui mettent en œuvre des programmes sur les savoirs autochtones et locaux dans différentes régions du monde, ces réseaux identifient les détenteurs de savoirs autochtones et locaux et établissent des liens entre eux et des experts spécialistes de certaines régions géographiques ou thèmes, en créant des points focaux pour un travail fondé sur la collaboration réciproque et la collaboration avec des gouvernements, scientifiques, chercheurs et des spécialistes des politiques.

Le Grand groupe des peuples autochtones pour le développement durableet les Objectifs de développement durable des Nations Unies

Le Grand groupe des peuples autochtones pour le développement durable (IPMG)4 a publié des rapports régionaux et un rapport mondial sur la situation des terres, territoires et ressources des peuples autochtones, des rapports thématiques sur la diversité biologique, sur les indicateurs, sur l’accès à l’énergie, et sur l’inclusion, l’égalité et l’autonomisation, et enfin un rapport spécial sur les femmes autochtones. L’IPMG soutient le Navigateur autochtone5, un réseau partagé de systèmes communautaires de surveillance et d’information financé par la Commission européenne pour le suivi de la mise en œuvre de : la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les ODD, et les résultats de la Conférence mondiale sur les peuples autochtone de 2014 mis en œuvre dans 11 pays (Népal, Bangladesh, Philippines, Cambodge, Colombie, Pérou, Suriname, Cameroun, Kenya et Tanzanie).

Le Forum international des peuples autochtones sur les changements climatiques et la CCNUCC

Le Forum international des peuples autochtones sur les changements climatiques a défendu avec succès les mesures de protection environnementales et sociales dans REDD+ et la création d’une « plateforme de communautés locales et de peuples autochtones » pour consolider les savoirs, les technologies, les pratiques et les efforts des communautés locales et des peuples autochtones dans le domaine des changements climatiques. Un groupe de travail de facilitation a été constitué pour élaborer le programme de travail et rendre la plateforme plus opérationnelle.

Le Forum international des peuples autochtones sur le patrimoine mondial

Le Forum international des peuples autochtones sur le patrimoine mondial6 fut créé par des délégués autochtones lors de la 41e session du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO à Cracovie, en Pologne, en juillet 2017. Calqué sur la CDB et la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, il s’agit d’un organe permanent mondial ayant pour objectif de collaborer avec le Comité du patrimoine mondial lors de ses réunions, afin de représenter les voix des peuples autochtones au sujet de la Convention du patrimoine mondial.

Obstacles restants

Malgré des progrès importants, un fossé persiste entre la reconnaissance mondiale et la reconnaissance locale de l’importance des savoirs autochtones et locaux. Leur importance est reconnue à l’échelon mondial dans le règlement des problèmes contemporains, mais dans les politiques et stratégies nationales, leur importance reste négligée et ne fait pas l’objet d’une protection. De nombreux bons exemples mettent en évidence les progrès dans la reconnaissance des savoirs autochtones et locaux, mais leurs contributions ne devraient pas éclipser la marginalisation sociale sous-jacente à laquelle sont confrontés les peuples autochtones et les communautés locales dans la plupart des pays, qui limite leur action et leur capacité de se faire entendre dans la prise de décisions, la planification et la mise en œuvre au niveau national du programme pour une transformation mondiale.

La récente évaluation mondiale de la diversité biologique et des services écosystémiques (Global Assessment on Biodiversity and Ecosystem Services) de l’IPBES montre l’importance des évaluations fondées sur des faits des pleines contributions des actions collectives des peuples autochtones et des communautés locales à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique, et à tous les objectifs d’Aichi pour la diversité biologique. La surveillance et les informations communautaires représentent une contribution innovante qui complète les données et les informations mondiales sur les peuples autochtones, mais les peuples autochtones restent confrontés à des inégalités colossales croissantes dans l’accès aux données et aux technologies de l’information, et dans leur capacité à les utiliser pour gérer les risques que leurs savoirs privés ou sacrés soient volés ou mal employés .7

Occasions et actions recommandées

Les gouvernements, les peuples autochtones et les communautés locales, les organes des Nations Unies (y compris le Groupe d’appui interorganisations sur les questions concernant les peuples autochtones), les organes scientifiques, le milieu universitaire et les bailleurs de fonds devraient :

  • consolider les partenariats afin d’améliorer le partage des informations et des technologies sur les savoirs autochtones et locaux ;
  • consolider les synergies et les approches holistiques entre les plateformes de connaissances des peuples autochtones et des communautés locales concernant la diversité biologique, le développement durable et les processus relatifs au changement climatique, et s’orienter vers des partenariats stratégiques pour la surveillance des indicateurs pertinents concernant les savoirs autochtones et locaux aux échelons local, national et mondial ;
  • accroître l’appui institutionnel et financier pour le renforcement des capacités concernant les CBMIS, notamment leur utilisation, afin de générer, stocker, gérer et utiliser des données et des informations, par exemple en donnant aux peuples autochtones et aux communautés locales un meilleur accès, un meilleur contrôle et une meilleure gestion des technologies de l’information et de la communication ;
  • consolider les interfaces entre les processus mondiaux, nationaux et communautaires de génération de données et de savoirs, et renforcer l’utilisation des indicateurs pertinents relatifs aux savoirs autochtones et locaux que les plateformes de données et les organes statistiques emploient pour le travail de suivi et de compte rendu, notamment des données ventilées sur le statut des peuples autochtones, des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés ;
  • documenter, diffuser et appliquer les enseignements tirés des collaborations réussies entre différents systèmes de savoirs, tels que l’IPBES, le « Partenariat international pour l’Initiative de Satoyama », une approche fondée sur des preuves multiples, des partenariats basés sur des faits, et des groupes communautaires de gestion des ressources naturelles ;
  • intégrer la formation sur la complémentarité des sciences, des technologies et des savoirs autochtones et locaux pour les acteurs de la conservation qui se consacrent à la diversité biologique, les scientifiques qui s’intéressent aux ressources naturelles, et les universitaires d’autres disciplines.

Ressources essentielles

  • Conseil consultatif scientifique du Secrétaire général des Nations Unies (2016) « Indigenous and local knowledge(s) and science(s) for sustainable development: policy brief by the Scientific Advisory Board of the UN Secretary-General ». SC/2016/UNSAB/ILK. Conseil consultatif scientifique du Secrétaire général des Nations Unies. Disponible sur : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000246104
  • Tebtebba (2018) Enhancing indigenous peoples development through community-based monitoring and information systems (CBMIS). Baguio : Tebtebba. Disponible sur : https://www.tebtebba.org/index.php/resources-menu/publications-menu/books/60-enhancing-indigenous-peoples-development-through-cbmis
  • IPBES (2017) « Approche concernant la reconnaissance et l’utilisation des savoirs autochtones et locaux dans les travaux de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques ». Annexe II à la décision IPBES-5/1 dans le Rapport de la Plénière de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques sur les travaux de sa cinquième session. IPBES/5/15. Disponible sur : https://ipbes.net/sites/default/files/ipbes-5-15_fr.pdf
  • Action Group on Knowledge Systems and Indicators of Wellbeing (n.d.) « Nature-Culture Indicators and Knowledge Systems Resource Directory ». Center for Biodiversity and Conservation, American Museum of Natural History. Disponible sur : http://resources.cbc.amnh.org/indicators/about.html

References

  1. Conseil consultatif scientifique du Secrétaire général des Nations Unies (2016). Indigenous and local knowledge(s) and science(s) for sustainable development: policy brief by the Scientific Advisory Board of the UN Secretary-General. SC/2016/UNSAB/ILK. Conseil consultatif scientifique du Secrétaire général des Nations Unies. Disponible sur : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000246104
  2. Tebtebba (2018) Enhancing Indigenous Peoples Development through Community-Based Monitoring and Information Systems (CBMIS). Baguio : Tebtebba. Disponible sur : https://www.tebtebba.org/index.php/resources-menu/publications-menu/books/60-enhancing-indigenous-peoples-development-through-cbmis
  3. Conseil économique et social des Nations Unies (2004) Rapport sur les travaux de l’Atelier sur la collecte de données relatives aux peuples autochtones. E/C.19/2004/2 [11]: 10 (10 février 2004). Disponible sur : https://digitallibrary.un.org/record/517063?ln=fr
  4. Grand groupe des peuples autochtones pour le développement durable : https://indigenouspeoples-sdg.org/index.php/english/
  5. Navigateur autochtone : https://nav.indigenousnavigator.com/index.php/fr/
  6. Forum international des peuples autochtones sur le patrimoine mondial : https://iipfwh.org/
  7. Vesper, I. (2016) « Indigenous people need control over digital tech ». Oxford: SciDevNet. Disponible sur : https://www.scidev.net/global/indigenous/news/indigenous-peopl-control-digital-tech.html