Transitions de la gouvernance vers une prise de décisions inclusive et un développement déterminé librement

Vision

Des institutions de gouvernance spécialisées, y compris des autorités des peuples autochtones et des communautés locales, exercent le pouvoir décisionnel, aux échelons appropriés, en adoptant des approches impliquant l’ensemble du gouvernement et l’ensemble de la société, qui garantissent le respect des droits humains, la diversité biologique, et la diversité des valeurs culturelles. Ces institutions gouvernementales adaptent les mesures relatives à la transparence et à la responsabilité politique, juridique et institutionnelle, afin d’assurer davantage d’équité, de bien-être, de durabilité et de résilience pour tous.

Raisonnement

Les inégalités de pouvoir dans les systèmes de gouvernance vont de pair avec des déséquilibres en termes de résultats économiques, sociaux et écologiques. Les systèmes de gouvernance étatiques et fondés sur le marché ont mis en place des stratégies de développement économique descendantes, qui ont écarté les acteurs les moins puissants, notamment les peuples autochtones et les communautés locales et leurs valeurs culturelles, de la prise de décisions concernant l’utilisation des terres et la gestion des ressources.

La fragmentation de la prise de décisions au niveau des gouvernements dans des secteurs spécialisés a privilégié la croissance économique par rapport à la santé de l’environnement et au bien-être social, contribuant ainsi aux crises actuelles interdépendantes de la perte de diversité biologique, du changement climatique et des inégalités sociales.

Des institutions de gouvernance holistiques, transparentes, responsables et axées sur l’intégration, qui défendent le respect des droits humains, et le partage équitable des avantages, seront des éléments cruciaux d’une transition de la gouvernance vers des résultats justes et durables pour les peuples et la planète.

Dot–Black–9px

Encadré 55

Le rapport mondial 2019 sur le développement durable

« […] garantir la durabilité des biens communs mondiaux ne relève pas uniquement de la gouvernance mondiale. Une multitude d’actions à tous les niveaux, du niveau mondial au niveau local, et la participation des communautés les plus directement touchées, sont tout aussi importantes. En effet, les politiques doivent s’attaquer à des comportements difficiles à modifier qui portent atteinte à l’environnement, notamment les mesures d’incitation économiques comme l’élimination des subventions néfastes, l’introduction d’une taxation appropriée, et des règlements tels que des mécanismes progressifs de taxation des émissions de carbone. Il est primordial de donner aux populations les moyens d’apporter des changements positifs grâce à l’éducation, à la sensibilisation et aux mouvements sociaux. L’acceptabilité sociale de ces changements si nécessaires sera facilitée si la gestion des biens communs mondiaux porte explicitement sur le bien-être humain et l’injustice environnementale. Cette gestion devrait éviter une mauvaise distribution et chercher à réparer les dommages déjà causés par des interventions techniques, financières et politiques inadéquates, en particulier lorsque des communautés autochtones et d’autres groupes vulnérables sont concernés, avec des efforts concertés pour ne pas faire de laissés-pour-compte. »

— Extrait de « The Future is Now – Science for achieving sustainable development »1

Les avantages de la transition

Les approches au développement qui tiennent compte des conditions et des cultures locales sont susceptibles d’aboutir à des résultats plus équitables et sensibles au contexte, tout en améliorant l’appropriation par les bénéficiaires visés. Intégrer la culture dans les politiques et programmes de développement apporte une contribution fondamentale à leur efficacité et durabilité.

L’évaluation Global Assessment on Biodiversity and Ecosystem Services de l’IPBES a conclu que :

« Reconnaître les savoirs, les innovations, les pratiques, les institutions et les valeurs des peuples autochtones et des communautés locales, et s’assurer de leur inclusion et participation à la gouvernance environnementale améliore souvent leur qualité de vie et la conservation, la restauration et l’utilisation durable de la nature, qui concernent l’ensemble de la société. La gouvernance, y compris les institutions coutumières et les systèmes de gestion et de co-gestion qui impliquent des peuples autochtones et des communautés locales, peuvent être un moyen efficace de préserver la nature et ses contributions à la population en intégrant des systèmes de gestion adaptés au niveau local et des savoirs autochtones et locaux. »2

Une approche fondée sur les droits humains défend les droits et la dignité des catégories pauvres et marginalisées de la société, soutient leurs visions diverses d’une bonne vie, aborde et gère les conflits, et libère l’énergie des actions collectives et de l’autodétermination.

Progrès vers la transition et exemples de référence

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 a présenté un programme universel à l’intention des gouvernements, des entreprises, de tous les peuples, de la société civile et de tous les citoyens, qui intègre les valeurs universelles des droits humains et une promesse de ne pas faire de laissés-pour-compte. Ce principe imprègne l’ensemble du programme de transformation, englobant, à l’échelon mondial, les inégalités, la diversité biologique, le changement climatique et les défis qui y sont associés.

Plusieurs processus politiques au niveau mondial ont adopté des décisions reconnaissant les contributions des savoirs traditionnels à la résolution des problèmes contemporains que sont la perte de diversité biologique, le changement climatique, le risque de catastrophes, la déforestation et la détérioration des écosystèmes.3 Néanmoins, un fossé profond sépare la reconnaissance accrue de la valeur des savoirs traditionnels dans les politiques mondiales et la négligence à leur égard et leur érosion permanentes sur le terrain. Les savoirs autochtones et locaux et les contributions importantes des peuples autochtones et des communautés locales sont peu pris en compte dans la plupart des stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité, ainsi que dans la plupart des processus nationaux d’établissement de rapports en vertu d’accords internationaux.4 Néanmoins, les progrès accomplis dans les cadres mondiaux conceptuels et politiques peuvent également éclairer et concrétiser les avancées des politiques et stratégies nationales, tel qu’illustré dans les cas de jurisprudence de la Terre et d’indicateurs nationaux de bien-être.

L’Assemblée générale des Nations Unies a entamé un processus de délibération sur « les droits de la Terre nourricière », axé sur les normes humaines qui protègent les fonctions et les intérêts de la planète, également appelé « jurisprudence de la Terre », selon lequel : «Les êtres humains doivent adapter leurs systèmes juridiques, politiques, économiques et sociaux afin de les rendre conformes aux lois et principes fondamentaux qui régissent la façon dont l’univers fonctionne et pousse les humains à agir conformément à ces lois et principes, ce que signifie que les systèmes de gouvernance humaine doivent tenir compte à tout moment des intérêts de l’ensemble de la communauté de la Terre. »5. Les pays ayant promulgué des lois se conformant à ces principes sont notamment l’Équateur, la Bolivie, l’Inde et la Nouvelle-Zélande.

Dot–Black–9px

Encadré 56

Étude de cas : reconnaissance de la personnalité morale de la rivière Whanganui, Nouvelle-Zélande

Pendant 140 ans, la tribu locale māori (iwi) de Whanganui dans l’Île du Nord, en Nouvelle-Zélande, a lutté pour la reconnaissance de sa rivière en tant qu’ancêtre. En 2017, la rivière a obtenu les mêmes droits juridiques qu’un être humain.6

— Lire l’étude de cas complète

Des conceptions et mesures du bien-être différentes du produit intérieur brut et de la croissance économique ont été développées et adoptées par plusieurs pays et peuples, notamment l’indice du bonheur national brut du Bhoutan,7l’enquête sur le bien-être de Ni-Vanuatu8 et le cadre des niveaux de vie de la Nouvelle-Zélande.9

La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, stipule des normes pour la participation pleine et effective des peuples autochtones à la mise en œuvre nationale et locale des engagements mondiaux, y compris dans la constitution de la Bolivie et la loi sur les droits des peuples autochtones des Philippines.

Ces normes internationales sont vivantes et pratiquées par des peuples autochtones, comme la Nation Wampis au Pérou (voir l’encadré 57) et les femmes autochtones du détroit de Torres en Australie (voir l’encadré 58).

Dot–Black–9px

Encadré 57

Étude de cas : la Nation Wampis dans l’Amazonie péruvienne déclare la création du premier gouvernement autochtone autonome

Le 29 novembre 2015, à Soledad, sur la rivière Santiago, au Pérou, la Nation Wampis a déclaré la formation de son gouvernement territorial autonome avec l’élection des premiers représentants et l’approbation et la publication de ses statuts, qui constituent le cadre juridique qui sera appliqué pour régir le territoire.

— Lire l’étude de cas complète
Dot–Black–9px

Encadré 58 : Forum international des peuples autochtones sur la biodiversité

Vue de l’île Thursday, détroit de Torres. Photo : Natalie Maro.
View from Thursday Island, Torres Strait. Credit: Natalie Maro.

Étude de cas : des femmes autochtones prennent en charge la gestion de la terre et de la mer dans le détroit de Torres, Queensland, Australie

Les femmes autochtones des îles du détroit de Torres jouent un rôle essentiel dans la compréhension et la gestion des ressources terrestres et marines et le développement de la résilience des communautés. En tant que gardiennes et enseignantes d’importants savoirs traditionnels, membres et dirigeantes appréciées des organisations communautaires, et occupant plus généralement un nombre croissant de postes à responsabilités et techniques, les femmes apportent une force et une perspectives uniques à la gestion de la terre et de la mer.

— Lire l’étude de cas complète

Les éléments clés de la transition

  • Intégrer des approches participatives incluant l’ensemble du gouvernement, de l’économie et de la société dans les stratégies de mise en œuvre et les plans d’action nationaux sur le développement durable, la diversité biologique et le changement climatique ; et attribuer la prise de décisions au niveau de compétence et de résolution des problèmes le plus approprié.
  • Continuer à réformer la législation et les politiques du gouvernement dans le cadre de la gouvernance adaptative, afin de générer des valeurs et des approches plurielles, et d’accroître l’équité, la diversité et la résilience dans les institutions et les systèmes juridiques.
  • Utiliser des mécanismes de compte rendu et de responsabilité plus appropriés, comme l’Examen périodique universel utilisé par les pays pour rendre compte des droits humains, afin d’évaluer les contributions des pays et les progrès généraux à intervalles réguliers.
  • Favoriser le pouvoir de transformation des peuples autochtones et des communautés locales, des personnes handicapées, des minorités, des personnes marginalisées et confrontées à la discrimination, et de tous ceux qui sont laissés-pour-compte. La prise en compte de l’égalité entre les sexes et de l’équité intergénérationnelle est un élément essentiel de l’ensemble de ce processus.
  • Appliquer strictement des mesures de sauvegarde garantissant la non-violation des droits humains dans la mise en œuvre des mesures relatives au développement durable, à la diversité biologique et au changement climatique, y compris le respect du consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones.
Whanganui River, New Zealand. Credit: Sasapee
Dot–Black–9px
Rivière Whanganui, Nouvelle-Zélande. Photo : Sasapee.

References

  1. Groupe de scientifiques indépendants désignés par le Secrétaire général (2019) Global sustainable development report:The future is now – Science for achieving sustainable development. New York : Organisation des Nations Unies.
  2. IPBES (2019) Summary for policymakers of the global assessment on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. S. Díaz, J. Settele, E. S. Brondízio E.S., H. T. Ngo, M. Guèze, J. Agard, A. Arneth, P. Balvanera, K. A. Brauman, S. H. M. Butchart, K. M. A. Chan, L. A. Garibaldi, K. Ichii, J. Liu, S. M. Subramanian, G. F. Midgley, P. Miloslavich, Z. Molnár, D. Obura, A. Pfaff, S. Polasky, A. Purvis, J. Razzaque, B. Reyers, R. Roy Chowdhury, Y. J. Shin, I. J. Visseren-Hamakers, K. J. Willis, et C. N. Zayas (éd.). Bonn, Allemagne : IPBES. Disponible sur : https://doi.org/10.5281/zenodo.3553579
  3. Voir Forest Peoples Programme, Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique et Forum international des peuples autochtones sur la biodiversité (2016) Perspectives locales de la diversité biologique. Contributions des peuples autochtones et des communautés locales à la mise en œuvre du Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020. Moreton-in-Marsh : Forest Peoples Programme. Disponible sur : http://www.forestpeoples.org/en/convention-biological-diversity-cbd-cultural-identity/report/2016/local-biodiversity-outlooks
  4. Voir l’objectif 18 dans : Convention sur la diversité biologique (2020) Perspectives mondiales de la diversité biologique 5. Montréal : Convention sur la diversité biologique.
  5. Résolution 74/224 de l’Assemblée générale, Déclaration des Nations Unies sur l’harmonie avec la nature, A/RES/74/224 adoptée le 19 décembre 2019. Disponible sur : https://undocs.org/fr/A/RES/74/224
  6. Fried, D. (2019) The River is Me. Washington D.C. : The Atlantic. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=YQZxRSzxhLI

    Ainge Roy, E. (2017) « New Zealand river granted same legal rights as human being ». The Guardian. Londres : Guardian Media Group. Disponible sur : https://www.theguardian.com/world/2020/apr/27/halt-destruction-nature-worse-pandemics-top-scientists
  7. Gross National Happiness Centre Bhutan (n.d.) What is GNH?Thimphu : Gross National Happiness Centre Bhutan. Disponible sur : http://www.gnhcentrebhutan.org/what-is-gnh/
  8. Malvatumauri National Council of Chiefs (2012) Alternative Indicators of Well-being for Melanesia: Vanuatu Pilot Study Report 2012.Malvatumauri National Council of Chiefs. Disponible sur : http://www.christensenfund.org/wp-content/uploads/2012/11/Alternative-Indicators-Vanuatu.pdf
  9. Te Puni Kōkiri et The New Zealand Treasury (2019) An Indigenous Approach to the Living Standards Framework. The Treasury Discussion Paper 19/01. Wellington : Te Puni Kōkiri et The New Zealand Treasury. Disponible sur : https://treasury.govt.nz/publications/dp/dp-19-01