Transitions culturelles vers des moyens de connaître et d’être différents

Vision

Les différentes manières qu’a l’humanité de vivre, de connaître et d’être dans la nature sont célébrées, avec la promotion de valeurs et de visions du monde plurielles dans nos systèmes économiques, politiques et sociaux, garantissant ainsi la résilience mutuelle de la nature et de la société. Les cultures diverses des peuples autochtones et des communautés locales alimentent et inspirent l’émergence de nouveaux modèles culturels qui situent l’humanité dans un monde vivant, intelligent et sacré.

L’éducation au développement durable est universelle et l’importance de la diversité biologique et des valeurs culturelles est largement comprise. Partout, les personnes disposent des informations et connaissances nécessaires, et des capacités permettant un développement durable et des modes de vie en harmonie avec la nature.

Raisonnement

La culture est définie comme « … l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu’elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »

— UNESCO1

La culture conditionne nos comportements et les cadres de nos relations avec autrui dans notre société et le monde qui nous entoure, y compris l’environnement naturel. Par conséquent, si la durabilité signifie avant tout vivre avec la nature et utiliser les ressources de la Terre de manière durable, alors promouvoir une diversité des cultures de durabilité devient une stratégie centrale.

La diversité biologique a co-évolué aux côtés de l’intelligence créative de l’humanité, qui se manifeste par la diversité culturelle. Aujourd’hui, la plupart de la diversité biologique qui reste dans le monde se trouve sur les terres, les territoires et dans les eaux des peuples autochtones, ce qui témoigne de leurs cultures de gardiennage et de résilience.

Mais les cultures, les systèmes de savoirs, les pratiques et les technologies autochtones et locaux sont mal compris et dénigrés comme étant statiques et immuables. Les valeurs et les systèmes culturels et éducatifs dominants, forgés dans la vision du monde dominante de la science et de la technologie et la maîtrise de la nature, se sont éloignés des anciennes manières de vivre, connaître et être dans la nature. De nombreuses langues autochtones, interdites dans les écoles modernes, ont disparu. Les jeunes autochtones sont éduqués pour aspirer à des moyens d’existence économiques et modes de vie urbains, sapant davantage la vitalité des communautés autochtones. Des innovations importantes dans le règlement de problèmes par des peuples autochtones sont invisibles ou sous-évaluées, mais constituent néanmoins des piliers culturels essentiels de la transformation sociale et écologique.

Les sociétés contemporaines peuvent apprendre des peuples autochtones et des communautés locales comment faire partie de l’écosystème, et comment l’humanité peut vivre en faisant partie d’un monde intelligent et sacré. De nouveaux modèles culturels et de nouvelles visions de la culture et de la nature travaillant de concert peuvent transformer le déséquilibre actuel des relations entre les humains et la nature.

L’éducation pour le développement durable est reconnue comme composante critique d’une éducation de qualité dans l’ODD 4 : «D’ici à 2030, faire en sorte que tous les élèves acquièrent les connaissances et compétences nécessaires pour promouvoir le développement durable, notamment par l’éducation en faveur du développement et de modes de vie durables, des droits de l’homme, de l’égalité des sexes, de la promotion d’une culture de paix et de non-violence, de la citoyenneté mondiale et de l’appréciation de la diversité culturelle et de la contribution de la culture au développement durable. »

Les avantages de la transition

Promouvoir des cultures de la paix et de la coopération au sein des sociétés, ainsi que la coexistence pacifique avec le monde naturel représentent des dimensions éthiques importantes de cette transition. La discrimination et les inégalités sociales ancrées dans les visions du monde, l’économie et la politique contemporaines sont tout à fait dépassées dans le monde interdépendant d’aujourd’hui. Alors que l’humanité cherche des solutions aux crises mondiales des populations et de la planète, les valeurs des peuples autochtones et des communautés locales, ainsi que d’autres traditions spirituelles, ont une grande contribution à apporter pour s’attaquer aux causes profondes des inégalités sociales et de la perte de diversité biologique.

La culture est également un moteur puissant d’enrichissement de l’éducation non-formelle et de l’apprentissage tout au long de la vie. Lorsque les programmes d’enseignement sont adaptés aux conditions locales, l’éducation devient essentielle pour la transformation et le changement sociaux. Des initiatives dans le domaine de l’éducation visant à intégrer la culture, les langues et les valeurs autochtones dans l’éducation formelle et communautaire aident les étudiants autochtones à obtenir de meilleurs résultats dans leur formation en affirmant leur identité culturelle, en développant leur confiance à l’égard de la participation interculturelle dans la société en général, et en promouvant l’apprentissage d’un éventail plus large d’aptitudes et de compétences.2

Faire face à un changement environnemental et social rapide exige la mobilisation de toutes les sources d’informations et de connaissances, et des manières différentes de penser, d’apprendre, d’adapter et de transformer. Les savoirs autochtones et locaux, ainsi que les sciences, jouent des rôles essentiels pour combler les lacunes en matière de connaissances et de technologies et orienter le pouvoir de l’innovation vers le développement durable. Combiner les perspectives de différents systèmes de connaissances et favoriser les échanges entre ces systèmes permet de mieux comprendre comment résoudre des problèmes complexes. En exploitant les pouvoirs de la diversité et de la démocratie comme ressources et moteurs du changement, il est possible d’aller plus loin que les plateformes axées sur les sciences et les politiques, vers des interfaces orientées sur les savoirs, les politiques et la société aux échelons local et mondial, pour donner lieu à un effort véritablement pan-humain.3

Progrès vers la transition et exemples de référence

Les peuples autochtones, à travers leurs actions collectives, créent un renouveau pour leurs vies personnelles, leurs cultures et institutions, dans le cadre de transformations plus générales pour faire face aux crises du 21e siècle, celles de la discrimination et de la marginalisation sociale, de la perte des terres et de la diversité biologique, et des relations déséquilibrées entre les humains et la nature. Leur travail de plaidoyer éclairé promeut le respect des droits des peuples autochtones et la prise en compte des cultures autochtones dans les décisions politiques mondiales contemporaines. Les peuples autochtones se réapproprient leur patrimoine et leurs visions du développement déterminé librement.4 À travers un apprentissage et une transmission intergénérationnels des savoirs, notamment à travers la réhabilitation des langues et une réflexion culturelle entre anciens et jeunes, et entre hommes et femmes, de nouvelles pistes vers l’avenir sont créées conjointement par des communautés autochtones, tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales.

L’inclusion des savoirs autochtones et locaux parallèlement aux sciences, en tant que systèmes complémentaires de connaissances pour mieux comprendre la diversité biologique, ses valeurs, son fonctionnement, son statut, ses tendances, et les conséquences de sa disparition à différentes échelles, représente l’une des grandes avancées de ces dernières années. Négocier l’écart des pouvoirs entre sciences et savoirs autochtones et locaux, et surmonter la tendance à « intégrer » ou « synthétiser » les savoirs autochtones et locaux dans la science, sans tenir compte de leur contexte culturel, est un obstacle majeur pour bâtir des collaborations et des partenariats équilibrés.5

À l’échelon mondial, l’IPBES a adopté une approche pour travailler avec les savoirs autochtones et locaux, qui comprend : des procédures pour évaluer la nature et les liens entre la nature et les humains, un mécanisme participatif, et des arrangements institutionnels pour inclure les peuples autochtones et les communautés locales dans ses activités. De même, lors de la CdP 14, les Parties à la CDB ont adopté la Déclaration de Sharm El-Sheik sur la nature et la culture6 , qui reconnaît que « les éléments culturels constituent un élément fondamental de la vie et de la vision cosmologique des peuples autochtones et des communautés locales, qui cherchent activement à établir une relation intrinsèque et équilibrée entre la Mère nature, les êtres humains et l’Univers. »

Dans son encyclique de 2015 consacrée aux changements climatiques et à l’écologie7 , le Pape François refléchit au principe catholique essentiel de l’appréciation de la vie et de la création à travers une écologie complète pour faire face aux crises écologiques et sociales complexes, et déclare : « Si la crise écologique est l’éclosion ou une manifestation extérieure de la crise éthique, culturelle et spirituelle de la modernité, nous ne pouvons pas prétendre soigner notre relation à la nature et à l’environnement sans assainir toutes les relations fondamentales de l’être humain. »

Des exemples d’initiatives d’autochtonisation des programmes d’étude des étudiants aux Philippines et en Amérique latine sont présentés respectivement dans l’encadré 52 et l’encadré 53.

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Encadré 52 : Partners for Indigenous Knowledge Philippines

Femme travaillant sur un métier à Bontoc. L’artisanat traditionnel comme le tissage est transmis aux nouvelles générations à travers des initiatives organisées par Partners for Indigenous Knowledge Philippines, et d’autres organisations. Photo : Joerg Boethling.
A woman works on a loom in Bontoc. Traditional crafts like weaving are being shared with new generations through initiatives organised by Partners for Indigenous Knowledge Philippines, and other organisations. Credit: Joerg Boethling.

Étude de cas : l’éducation des peuples autochtones dans les écoles philippines

Des politiques récentes en matière d’éducation aux Philippines offrent des possibilités d’enseigner les savoirs autochtones dans les écoles, en reconnaissant le droit des peuples autochtones à une éducation ancrée dans la culture et en adoptant le « Cadre d’éducation des peuples autochtones », qui guide les écoles pour localiser, autochtoniser et améliorer les programmes.

— Lire l’étude de cas complète
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Encadré 53

Femme tenant un drapeau représentant les peuples autochtones d’Amérique latine à Tiahuanaco, Bolivie. Photo : mauritius images GmbH.
A woman holds a flag representing the indigenous peoples of Latin America in Tiahuanaco, Bolivia. Credit: mauritius images GmbH

Étude de cas : universités autochtones interculturelles , Amérique latine

En Amérique latine, un réseau d’universités autochtones interculturelles —Universidad Indígena Intercultural (UII)8 — a été créé, au sein duquel des étudiants autochtones suivent des cours postuniversitaires qui favorisent le développement professionnel et l’excellence technique au service du développement des peuples autochtones, dans le respect de la culture et de l’identité. Les modules enseignés par des femmes et des hommes autochtones respectés pour leur sagesse, leur expertise, leur leadership, leurs savoirs culturels ou leur accompagnement spirituel, qui s’expriment directement sur la base de leurs expériences en tant qu’interlocuteurs pour l’autodétermination des peuples autochtones.

— Lire l’étude de cas complète

Les éléments clés de la transition

La promotion de l’éducation à la diversité biologique et culturelle, à la durabilité, aux langues, aux droits humains et au patrimoine et son intégration dans les programmes scolaires à tous les niveaux, y compris dans l’éducation informelle, en mettant fortement l’accent sur le rétablissement du lien avec la nature à travers « l’apprentissage par la pratique » et l’expérience de la nature. Il a été démontré que l’apprentissage lors de la petite enfance, qui est expérientiel et basé sur la nature, a des répercussions importantes sur les valeurs liées au monde naturel.

La transmission des savoirs autochtones et locaux dans les écoles, programmes destinés à la jeunesse, campagnes d’information et d’éducation, festivals culturels et célébrations, réseaux sociaux et communications publiques. Cela est important pour une sensibilisation large du public aux liens entre les valeurs de la diversité biologique et les valeurs culturelles de l’ensemble de la société.

L’établissement d’un dialogue soutenu entre les sciences et les systèmes de savoirs autochtones et locaux afin de jeter les fondements de nouveaux partenariats pour générer les meilleurs savoirs et solutions possibles pour la résilience biologique et culturelle.

Le soutien aux arts, à la littérature et aux médias, qui sont également essentiels pour favoriser la compréhension entre les différentes cultures et composantes de la société. À travers les arts, la littérature et les médias, la culture se renouvelle et renouvelle ses valeurs, de manière créative et inattendue, pour chaque nouvelle génération. Il s’agit également des canaux parmi les plus importants et démocratiques à travers lesquels les individus et les collectifs peuvent s’exprimer et influencer la société.

A bamboo box with the umbilical cord of a newborn is tied to a tree in a community forest near a village in Thailand. The tree takes care of the newborn, and no one can cut the tree down; the child becomes responsible for the welfare of the tree. Credit: Lakpa Nuri.
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Une boîte en bambou avec le cordon ombilical d’un nouveau-né est attachée à un arbre dans une forêt communautaire à proximité d’un village en Thaïlande. L’arbre prend soin du nouveau-né, et personne ne peut l’abattre. L’enfant devient responsable du bien-être de l’arbre. Photo : Lakpa Nuri.

References

  1. UNESCO (n.d.) « Culture et développement durable : les idées principales ». Disponible sur : http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/culture-and-development/the-future-we-want-the-role-of-culture/the-key-ideas/
  2. Dockery, A.M. (2020) « Inter-generational transmission of Indigenous culture and children’s wellbeing: Evidence from Australia », International Journal of Intercultural Relations74, pp. 80-93.
  3. Conseil consultatif scientifique du Secrétaire général des Nations Unies (2016) SC/2016/UNSAB/ILK. Indigenous and local knowledge(s) and science(s) for sustainable development: policy brief by the Scientific Advisory Board of the UN Secretary-General. Conseil consultatif scientifique du Secrétaire général des Nations Unies. Disponible sur : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000246104
  4. Voir la deuxième partie de ce document, et la deuxième partie de Forest Peoples Programme, Forum international des peuples autochtones sur la biodiversité et Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (2016) Perspectives locales de la diversité biologique. Contributions des peuples autochtones et des communautés locales à la mise en œuvre du Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020. Complément à la quatrième édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique. Moreton-in-Marsh, Angleterre. Disponible sur : https://www.cbd.int/gbo/gbo4/publication/lbo-en.pdf
  5. Berkes, F. (2019) « ILK in Environment and Sustainable Development », présenté lors de la session Indigenous and local knowledge (ILK) within IPBES assessments and beyond, dans le cadre des Journées de réflexion autour de la biodiversité, INEE, CNRS, Paris (25-26 avril 2019). Disponible sur : https://biodiv-cnrs.sciencesconf.org/data/pages/ILK_notes_for_discussion_Feb_19.pdf
  6. Convention sur la diversité biologique (2018) The Sharm El-Sheikh Declaration on Nature and Culture. CBD/COP/14/INF/46. Montréal : Convention sur la diversité biologique.
  7. Pape François (2015) Lettre encyclique Laudato Si’ du Saint-Père François sur la sauvegarde de la maison commune. Vatican : Saint-Siège. Disponible sur : http://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html
  8. Global Innovation Exchange (n.d.)Intercultural Indigenous University-UII. Global Innovation Exchange. Disponible sur : http://www.stisolutions4sdgs.globalinnovationexchange.org/innovations/intercultural-indigenous-university-uii