Objectif 10 : écosystèmes vulnérables au changement climatique
D’ici à 2015, les nombreuses pressions anthropiques exercées sur les récifs coralliens et les autres écosystèmes vulnérables marins et côtiers affectés par les changements climatiques ou l’acidification des océans sont réduites au minimum, afin de préserver leur intégrité et leur fonctionnement.
Messages principaux
- Les peuples autochtones et les communautés locales contribuent de façon minime aux pressions anthropiques, mais nombre d’entre eux vivent dans des écosystèmes vulnérables au climat et sont affectés de manière disproportionnée par des pressions cumulées sur ces écosystèmes.
- Ils atténuent le changement climatique et s’y adaptent en annonçant les signes précurseurs, en appliquant les savoirs traditionnels, les innovations, les pratiques et les technologies pour adapter leurs activités, en conservant et en consolidant la gestion durable, en établissant des aires conservées par les peuples autochtones et les communautés (APAC) ou des « territoires de vie », et en collaborant avec des partenaires pour surveiller et éliminer ces pressions.
- Afin de réaliser des progrès, il est nécessaire d’accroître de manière significative le soutien aux stratégies et institutions des peuples autochtones et des communautés locales impliqués dans la protection des écosystèmes vulnérables contre les menaces et les pressions, et dans le renforcement de la conservation, de la gestion durable et de l’adaptation aux changements climatiques par les communautés.
Signification de l’objectif 10 pour les peuples autochtones et les communautés locales
- Les peuples autochtones et les communautés locales vivent dans la plupart des écosystèmes identifiés par la CDB comme étant les plus vulnérables aux changements climatiques, ainsi que ceux qui sont identifiés sur la Liste rouge des écosystèmes de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).1 Bien que leur contribution aux changements climatiques soit minime, ils sont souvent très vulnérables à leurs effets. 2 De nombreuses menaces, notamment la surpêche, l’eutrophisation et le développement non durable des littoraux, continuent d’affecter les récifs coralliens,3 et le recours permanent aux combustibles fossiles et aux industries extractives ont des effets significatifs sur d’autres écosystèmes vulnérables, notamment les zones montagneuses et les zones à faible élévation. Les régions polaires sont particulièrement touchées, des répercussions ayant été signalées sur les mammifères marins, les oiseaux et l’environnement marin arctique.
- La date butoir de 2015 a déjà été manquée, et l’objectif 10 ne sera pas réalisé d’ici 2020. 4 Des progrès lents et insuffisants dans la réalisation de cet objectif affectent gravement les modes de vie et les moyens de subsistance des peuples autochtones et des communautés locales, tel que décrit dans l’encadré 21.
Encadré 21 Étude de cas : changement climatique et souveraineté alimentaire dans l’Arctique Inuit Circumpolar Council – Alaska
Séchage du saumon en Alaska, une activité affectée par le changement des conditions météorologiques, qui ne correspondent plus aux périodes traditionnelles de prise. Photo : Karen Kasmauski.
Étude de cas : changement climatique et souveraineté alimentaire dans l’Arctique5
Le bureau du Inuit Circumpolar Council en Alaska a promu un projet qui examine ce qui entrave ou appuie la souveraineté alimentaire et la gouvernance autonome des Inuit. En 2019, dans le cadre de ce travail, 24 détenteurs de connaissances autochtones inuit se sont réunis pour un atelier consacré à la souveraineté alimentaire et à la gouvernance autonome dans l’Arctique.
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Contributions et expériences des peuples autochtones et des communautés locales relatives à l’objectif 10
Les peuples autochtones et les communautés locales contribuent à l’objectif 10 par des actions sur le terrain et grâce à leur participation à des processus internationaux, en particulier à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Au niveau local, les peuples autochtones et les communautés locales agissent seuls ou en collaboration avec d’autres acteurs, notamment sur : la gestion durable et la conservation par les communautés, y compris par l’établissement d’APAC/territoires de vie (voir l’encadré 22) ; en annonçant les signes précurseurs et en détectant les changements climatiques (voir l’encadré 23) ; en collaborant avec des partenaires pour surveiller l’état et les tendances des écosystèmes vulnérables, et affronter les menaces et les pressions (voir l’encadré 24).
Des militants autochtones tiennent une « ligne rouge » sur le Pont des Arts lors de la Conférence sur le climat des Nations Unies, la COP 21, à Paris, en France. Les peuples autochtones et les communautés locales participent activement à des forums politiques et à des initiatives mondiales en matière de changement climatique. Photo : Jenny Matthews.
Gestion durable et conservation par les communautés
Encadré 22 : Bakoliarimisa Tsiorisoa Mihanta, TAFO MIHAAVO, Madagascar
Deux espèces de tortues de mer en danger vivent dans les eaux des environs de l’île de Sakatia, à Madagascar. Photo : Jax137.
Étude de cas : île de Sakatia (APAC), Madagascar
Parmi les 14 APAC emblématiques de Madagascar, le territoire de vie de la Fokonolona (communauté locale) sur l’île de Sakatia couvre 1 230 hectares et englobe la réserve forestière d’Ambohibe (12,4 ha), les mangroves d’Andranomatavy (10,5 ha), des plages de sable (7,2 ha) et une zone de pêche traditionnelle de 110 ha où deux espèces protégées de tortues de mer vivent
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Lorsque le Chorka prépare un nid plus long qu’à l’accoutumée, c’est le signe que le début de l’hiver entraînera un retard dans les systèmes de plantation des agriculteurs. Photo : PJR Photography.
Alerte rapide et détection des changements dans le climat
Ayant une connaissance profonde de leurs terres et territoires grâce à un contact quotidien et à des savoirs autochtones et traditionnels approfondis, les peuples autochtones et les communautés locales remarquent des changements précis dans les écosystèmes, souvent avant qu’ils ne soient identifiés par les scientifiques. Cette compréhension permet de disposer d’un système d’alerte rapide pour un vaste éventail d’effets environnementaux6 et peut aider les peuples autochtones et les communautés locales à s’adapter au changement climatique, tel que décrit dans l’encadré 23.
Encadré 23 Ramiro Batzín, Peuples autochtones Maya Kaqchikel, Sotz’il
Agriculteur kaqchikel s’occupant de ses cultures. Photo : Latitude Stock.
Étude de cas : systèmes d’alerte précoce des Maya au Guatemala
Les peuples autochtones ont des savoirs traditionnels et ancestraux qui les ont aidés à étudier le comportement du climat, des précipitations et des éventuelles sécheresses. Cela les aide à prendre des décisions et à adopter les mesures nécessaires pour l’adaptation et l’atténuation face aux changements climatiques, afin d’éviter les effets néfastes des inondations, des sécheresses et des maladies des végétaux qui pourraient mettre en péril la sécurité alimentaire.
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Partenariats de collaboration
Des partenariats de collaboration entre des peuples autochtones et des communautés locales et des chercheurs sont très prometteurs pour s’attaquer aux pressions anthropiques sur des écosystèmes sensibles au climat, parce que bon nombre des problèmes se produisent sur une large échelle, et exigent des ressources considérables pour trouver des solutions, ainsi qu’une coopération qui va au-delà des frontières et des juridictions.
Travailler avec différents points de vue, concepts, valeurs, objectifs, et statuts politiques et sociaux pose toutefois des difficultés. Il convient de veiller à éliminer les asymétries de pouvoir, les positions privilégiées et l’imposition de résultats dans ce qui prend souvent la forme de négociations politiques.7 Malgré ces difficultés, le nombre de cas de collaborations fructueuses va croissant, par exemple entre les peuples Salishes de la côte et Parcs Canada. Les peuples Salishes de la côte dans le Pacifique nord-ouest construisent des parcs à palourdes depuis plus de 11 000 ans.8 Les parcs favorisent la diversité biologique, constituent une source importante d’alimentation, réduisent les facteurs de stress climatique dus à l’augmentation du niveau de la mer et à l’énergie de la houle, et peuvent filtrer l’excès de nutriments dans les eaux marines.9
WSANEC et les Premières Nations Hul’q’umi’num ont constitué une joint-venture avec Parcs Canada pour protéger les savoirs traditionnels concernant la construction et l’entretien des parcs, et aider les jeunes à rétablir un lien avec leur culture.
Encadré 24 : Laura Pearson, Alex Carter, Michael Rasheed, Jane Mellors
Des gardes fauniques surveillent la santé des herbiers sous-marins. Photo : TropWater.
Étude de cas : surveillance des herbiers sous-marins dans le détroit de Torres, en Australie
« Nous formons une seule société, qui partage les ressources de la région. Quand vous voyez l’eau changer, vous savez que les personnes responsables de cette région changent également. »
— Sereako Stephen, Propriétaire traditionnel, Ugar
Les peuples autochtones du détroit de Torres pratiquent la gestion traditionnelle de la terre et de la mer conformément à l’Ailan Kastom (coutume insulaire), à la tradition/au droit aborigène, aux droits fonciers et aux intérêts natifs. Grâce à ce travail de gardiennage permanent, le détroit de Torres reste l’une des régions écologique et culturelle les plus riches et les plus intactes de la planète. Les communautés insulaires du détroit de Torres sont tributaires des habitats marins côtiers pour leur subsistance et ont de forts liens culturels et spirituels avec des environnements.
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Participation des peuples autochtones et des communautés locales à des instances politiques
En plus de leur travail sur le terrain, les peuples autochtones et les communautés locales participent activement aux instances politiques internationales concernées et aux initiatives mondiales en matière de changement climatique. Les évolutions positives au cours des dix dernières années incluent la création en 2015 de la Plateforme des communautés locales et des peuples autochtones au sein de la CCNUCC afin d’améliorer la participation des peuples autochtones et des communautés locales aux politiques relatives au climat10 , et l’adoption par le conseil du Fonds vert pour le climat de sa Politique autochtone en 2018, qui devrait garantir la reconnaissance, le respect et la promotion des droits des peuples autochtones dans les financements en matière de climat.11 . Les peuples autochtones et les communautés locales ont également pris différents engagements lors du Sommet sur l’action pour le climat à New York en septembre 2019, notamment des engagements visant à diriger la mise en œuvre de plans holistiques pour protéger la diversité bioculturelle, en assurant l’inclusion des personnes les plus marginalisées, à élaborer des mesures pour garantir les droits des peuples autochtones et des communautés locales aux terres, territoires et ressources, et à promouvoir le développement des énergies renouvelables conformément aux principes de l’auto-détermination et du consentement libre, préalable et éclairé.
Les herbiers sous-marins, que l’on voit ici vers l’île de Masig, sont essentiels pour la diversité biologique du détroit de Torres, et contribuent à faire vivre de nombreuses espèces de vie marine. Photo :
Suzanne Long.
Occasions et actions recommandées
- Les peuples autochtones et les communautés locales devraient améliorer et consolider les évaluations des éléments de vulnérabilité, la surveillance communautaire des effets des changements climatiques, et les capacités d’adaptation.
- Les gouvernements et les acteurs concernés devraient accroître l’aide aux stratégies et institutions communautaires qui visent à assurer des alertes précoces, la surveillance, la gestion durable, la conservation par les communautés et l’adaptation aux changements climatiques.
- Les gouvernements et les acteurs concernés devraient soutenir les peuples autochtones et les communautés locales dans la défense et la protection des écosystèmes vulnérables contre les menaces et les pressions, notamment à travers une reconnaissance juridique de leurs droits de ne pas subir de préjudices d’actions survenues en dehors de leurs terres, et pour une application effective de ces droits.
- Les gouvernements et les acteurs concernés devraient garantir que les peuples autochtones et les communautés locales puissent participer de manière pleine et effective à toute planification, élaboration de politiques et prise de décisions qui affecte leurs écosystèmes.
- Des partenariats devraient être établis à tous les niveaux concernés pour améliorer la collaboration entre les détenteurs de savoirs autochtones et les scientifiques, afin de mieux comprendre les effets des changements climatiques et d’élaborer des stratégies d’adaptation.
Ressources essentielles
- Ressources essentielles GIEC (2019) « Summary for Policymakers », in Shukla, P.R., Skea, J., Calvo Buendia, E., Masson-Delmotte, V., Pörtner, H.-O., Roberts, D.C., Zhai, P., Slade, R., Connors, S., van Diemen, R., Ferrat, M., Haughey, E., Luz, S., Neogi, S., Pathak, M., Petzold, J., Portugal Pereira, J., Vyas, P., Huntley, E., Kissick, K., Belkacemi, M., Malley, J. (éd.) Climate Change and Land: an IPCC special report on climate change, desertification, land degradation, sustainable land management, food security, and greenhouse gas fluxes in terrestrial ecosystems. Genève : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Disponible sur : https://www.ipcc.ch/srccl/chapter/summary-for-policymakers/
- Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (n.d.) « Introduction to the Local Communities and Indigenous Peoples Platform (LCIPP) ». Disponible sur : https://unfccc.int/LCIPP
- Inuit Circumpolar Council Alaska (2019) Food sovereignty and self governance – Inuit role in managing Arctic marine resources. Anchorage : Inuit Circumpolar Council Alaska.
- Nakashima, D., Galloway McLean, K., Thulstrup, H., Ramos Castillo, A. et Rubis, J. (2012) « Weathering uncertainty: Traditional knowledge for climate change assessment and adaptation ». UNESCO. Disponible sur : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000216613
References
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- Convention sur la diversité biologique (2019) Éclairer les bases de données scientifiques et techniques du Cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020. Additif. Projet de résumé de la cinquième édition des perspectives mondiales de la diversité biologique à l’intention des décideurs. CBD/SBSTTA/23/2/Add.3. Montréal : Convention sur la diversité biologique.
- Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique (2020) Perspectives mondiales de la diversité biologique 5. Montréal
- Inuit Circumpolar Council Alaska (2019) Food sovereignty and self governance – Inuit role in managing Arctic Marine resources. Anchorage : Inuit Circumpolar Council Alaska.
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