Objectif 14 : services des écosystèmes
D’ici à 2020, les écosystèmes qui fournissent des services essentiels, en particulier l’eau et contribuent à la santé, aux moyens de subsistance et au bien-être, sont restaurés et sauvegardés, compte tenu des besoins des femmes, des communautés autochtones et locales, et des populations pauvres et vulnérables.
Messages principaux
- Messages principaux Pour les peuples autochtones et les communautés locales, les écosystèmes et les habitats qui fournissent des « services essentiels » sont leurs terres, territoires, eaux et ressources coutumiers, qui assurent leurs besoins de subsistance, spirituels et culturels.
- Un régime foncier sûr pour les peuples autochtones et les communautés locales est fondamental pour progresser dans la réalisation de cet objectif et est essentiel non seulement pour les peuples autochtones et les communautés locales, mais aussi pour leurs contributions primordiales significatives et permanentes à l’ensemble de l’humanité.
- Les femmes des peuples autochtones et des communautés locales jouent des rôles importants et détiennent des droits distincts en tant que titulaires de connaissances et gestionnaires de ressources.
Signification de l’objectif 14 pour les peuples autochtones et les communautés locales
Les systèmes de régimes fonciers coutumiers des peuples autochtones et des communautés locales ont co-évolué dans tous les biomes sur terre, et représentent des systèmes de gestion des ressources fondés sur les écosystèmes et la culture pour la satisfaction des besoins humains. Garantir ces « territoires de vie » est un thème transversal de nombreux Objectifs d’Aichi pour la diversité biologique, mais qui est peut-être encore plus pertinent pour l’objectif 14. Un régime foncier sûr est une condition préalable à la restauration et à la protection des contributions qu’apporte la nature aux femmes, aux peuples autochtones et aux communautés locales, et aux personnes se trouvant en situation de pauvreté et de vulnérabilité, contributions qui sont essentielles pour leur santé, leur bien-être et leurs moyens de subsistance. C’est également une condition préalable pour conserver la résilience naturelle et sociale. Néanmoins, alors qu’ils s’efforcent de défendre et conserver leurs terres et leurs territoires, les peuples autochtones et les communautés locales continuent de vivre des expériences entachées par l’hostilité et les persécutions. Cela a des conséquences écologiques, sociales et culturelles graves, distinctes pour les femmes et les hommes, au vu de la sexospécificité de leurs rôles, responsabilités et fonctions par rapport à la gouvernance et à la gestion des écosystèmes.1
Femme médecin maasai.
« Les femmes autochtones sont les gardiennes de nos ressources naturelles. En tant que femme pratiquant la médecine, je dois aller loin pour chercher des plantes médicinales ; nous n’avons même plus de forêt à proximité. J’envisage même de créer une petite forêt chez moi. Je suis heureuse que les femmes autochtones travaillent ensemble pour partager les connaissances et disposer de ces plantes près de nos potagers. Nous avons la première étape. Nous avons besoin que vous travailliez tous avec nous et que nous travaillions avec vous. »
— Nailepu Naiguta, femme médecin maasai du groupe des femmes paran Ololulung, Narok, au Kenya
Contributions et expériences des peuples autochtones et des communautés locales relatives à l’objectif 14
Les chiffres relatifs à la propriété coutumière des terres du monde sont stupéfiants. Il est estimé qu’au moins la moitié de la superficie terrestre mondiale est soumise à un régime foncier autochtone et communautaire.2 Un quart de la superficie terrestre mondiale (environ 38 millions de kilomètres carrés) relève de la propriété et de la gestion coutumières des peuples autochtones.3 Jusqu’à 2,5 milliards de personnes vivent des économies rurales grâce à l’intendance des forêts communautaires et d’autres terres communautaires qui jouent un rôle essentiel dans la préservation des services écosystémiques de la nature.4
Ces zones revêtent une très grande signification pour les contributions mondiales de la nature aux populations5 toutefois seuls 10 % des terres des peuples autochtones et des communautés locales disposent de garanties juridiques.6 Les contributions des peuples autochtones et des communautés locales à l’objectif 14 incluent tant la protection de ces terres et territoires contre des facteurs externes multiples de destruction de l’environnement que les mesures qu’ils adoptent pour les conserver, utiliser durablement et restaurer, avec un rôle particulièrement important pour les femmes.
Actions des peuples autochtones et des communautés locales pour protéger leurs terres et territoires
Les peuples autochtones et les communautés locales prennent d’importantes mesures à travers le monde pour protéger leurs terres et territoires, ainsi que la nature et la diversité biologique qu’ils renferment. Des exemples sont présentés tout au long de ce rapport, et on trouve également comme exemples :
- au Cambodge, les communautés autochtones bunong dans la province de Mondulkiri déclarent que depuis qu’une entreprise privée a reçu un bail d’une durée de 70 ans pour une superficie de 2 386 hectares pour une plantation de caoutchouc et de produits agricoles, leurs terres ancestrales, traditions et coutumes, et leurs moyens de subsistance qui dépendent des écosystèmes locaux, sont menacés.7 En 2018, le Centre cambodgien des droits de l’homme signalait que plus de 800 familles étaient affectées. Après avoir perdu tout espoir d’obtenir justice au Cambodge, les communautés ont entamé avec succès une procédure en justice contre l’entreprise, Socfin-KCD, en vertu du droit français, sur la base du fait que la plantation est financée par l’entreprise française Bolloré. En octobre 2019, des représentants communautaires ont comparu au tribunal de Nanterre, en France, pour y être interrogés ;8
- au Belize, les Maya ont entamé plusieurs procédures en justice afin de défendre leurs terres et écosystèmes contre la détérioration due à l’exploration pétrolière, à la construction routière et à l’exploitation forestière incontrôlée ;9
- au Pérou, le peuple Shipibo-Conibo a entamé une procédure en justice contre la déforestation illégale d’une zone sur ses terres, en vue d’une conversion au palmier à huile;
- ; au Kalimantan, en Indonésie, la communauté dayak de Long Isun s’oppose à l’exploitation forestière de ses terres sans consentement
- dans le Sabah, en Malaisie, des villageois de la région de la rivière Telaga à Pitas, luttent contre les coupes à blanc des mangroves pour la production intensive de crevettes;
- au Guyana, les Wapichan mènent une campagne depuis plusieurs années pour protéger leurs terres et leurs forêts des menaces extérieures, notamment de l’exploitation minière illégale;
- ; en Colombie, des peuples autochtones s’attèlent à protéger leurs terres et territoires dans le Resguardo autochtone Cañamomo Lomaprieta contre les activités extractives illégales, et mènent une action de restauration écologique des terres endommagées.
Un avocat maya q’eqchi s’adresse à l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. Photo : Jamie Malcolm-Brown.
Encadré 32 : Alliance des dirigeants maya
Étude de cas : protection des terres et territoires : procédures en justice déposées par les Maya, au Belize 10
Dans le district de Toledo au Belize, qui fait partie de la zone de haute diversité biologique mésoaméricaine, les Maya sont les gardiens d’une superficie de forêts tropicales humides, de savanes et d’écosystèmes marécageux estimée à 200,000 hectares. Dans chaque village maya, l’utilisation des terres et des ressources se conforme aux pratiques de protection durables, avec des zones réservées à l’agriculture, à l’utilisation médicinale, à l’utilisation spirituelle, à la chasse, et à la conservation pour préserver un bassin versant en bonne santé.
— Lire l’étude de cas complète
Ruches dans une communauté maya au Mexique. Photo : Alessandro Banchelli.
Actions en faveur de la conservation, de l’utilisation durable et de la restauration
En plus de la protection de leurs terres contre une destruction venant de l’extérieur, de nombreux peuples autochtones et communautés locales conservent et gèrent activement la nature, sur la base de savoirs traditionnels et de pratiques coutumières, ainsi que de nouvelles approches élaborées en collaboration avec des scientifiques.11 Par exemple, le peuple Maya de Quintana Roo, au Mexique, restaure activement des populations de balchéet d’autres espèces indigènes d’arbres, afin d’assurer la disponibilité d’une nourriture suffisante pour les abeilles (voir l’encadré 33).
Les femmes peuvent différer des hommes tant au niveau de leur dépendance à la nature que de leurs rôles dans la gestion de la nature, en fonction de responsabilités et priorités différentes. Dans certains cas, les inégalités entre les hommes et les femmes dans l’accès, le contrôle et la propriété de la terre et des ressources naturelles, ainsi qu’au niveau des obstacles socioculturels aux possibilités économiques pour les femmes, peuvent signifier que les femmes sont davantage dépendantes de l’accès local à la nature et sont plus vulnérables aux effets de la dégradation de l’environnement.
Dans de nombreuses sociétés, les femmes mènent leurs propres actions collectives pour réaliser l’objectif 14, affirmant ainsi leurs rôles distincts en tant que détentrices et protectrices des savoirs. On trouve notamment les exemples suivants :
- en Arménie, depuis 2011, la Berd Women’s Resource Centre Foundation travaille aux côtés de communautés rurales et de groupes de femmes locales pour combattre la dégradation de l’environnement dans la région de Tavush. Le Centre axe son travail sur l’égalité entre hommes et femmes et le chômage des femmes, et promeut l’autonomisation et les possibilités d’emploi autonome des femmes en impliquant les femmes de la région dans la cueillette durable de plantes sauvages. De plus, 2 000 arbustes environ ont été plantés. Le Centre enseigne aux femmes à transformer les plantes et à les vendre afin de produire un revenu. Ce projet portait également sur la vente de confitures et gelées de baies sauvages, et 80 femmes en ont bénéficié indirectement à travers une participation à des formations et ateliers;12
- dans le district de Dolakha au Népal, les femmes jouent des rôles essentiels dans les forêts communautaires, en utilisant leurs savoirs et leurs expériences pour élaborer des stratégies efficaces de conservation, gestion et utilisation des forêts. Grâce à ces réussites, les femmes sont de plus en plus reconnues comme des actrices importantes pour la conservation de la diversité biologique dans la région;13
- en Égypte, les Bédouins de la Réserve de biosphère Wadi Allaqi sont confrontés à des difficultés pour s’adapter à leur nouvel environnement après avoir été réinstallés de leurs terres d’origine au Lac Nasser en 2002. Leur tradition d’agro-pastoralisme ont été restreintes dans la réserve, et l’on s’attend à ce que la nouvelle génération perde progressivement ses savoirs traditionnels. Malgré ces difficultés, les femmes continuent d’essayer de conserver leurs expériences et connaissances des plantes médicinales, de l’alimentation, des ressources en pâturage et de l’adaptation suite à leur réinstallation, afin qu’elles contribuent aux moyens d’existence durables de la leur communautés14
Figure 4 : carte communautaire créée par la communauté pga k’nyau (karen) de Khun Tae, au nord de la Thaïlande. Les modèles détaillés d’utilisation des sols mis en évidence sur la carte montrent que 47 % de la superficie de 6 064 acres sont constitués de forêts pour une utilisation coutumière
, 11,2 % sont destinés à l’agriculture et 38,2 % sont soumis à une protection stricte de la communauté.
Source : IMPECT
Encadré 33 : Federación Indígena Empresarial y Comunidades Locales de México, A.C. (CIELO) y Sociedad Cooperativa Lool Xaam SC de RL de CV
Étude de cas : El Balché : arbres sacrés et abeilles du peuple Maya, Mexique
L’apiculture est une source importante d’échange avec l’étranger dans notre pays et une source de revenus pour une bonne partie de la communauté maya de Felipe Carrillo Puerto, Quintana Roo. Mais cette activité décline, à cause des prix bas versés aux producteurs de miel. Par ailleurs, les populations d’arbres producteurs de pollen et de nectar ont diminué dans la région à cause de l’exploitation des ressources forestières, et donc la quantité et la qualité du miel ont également diminué. Il est par conséquent nécessaire de surveiller constamment les ruches, et également de surveiller et repeupler la flore dans les environs des élevages d’abeilles, afin d’assurer une alimentation en pollen et en nectar pour les abeilles.
— Lire l’étude de cas complète
Occasions et actions recommandées
- Les peuples autochtones et les communautés locales devraient continuer de défendre leurs terres et territoires collectifs, et développer davantage les partenariats avec les acteurs concernés pour garantir les régimes fonciers coutumiers, en accordant une attention particulière au contexte culturel et socio-économique et aux droits distincts des femmes.
- Les gouvernements devraient remplir leur obligation en matière de droits humains de respecter et protéger les droits des peuples autochtones et des communautés locales à leurs terres, territoires, eaux et ressources, et de promouvoir la santé, les moyens de subsistance et le bien-être des femmes, et des personnes pauvres et vulnérables, en ne faisant pas de laissés-pour-compte.
- Les gouvernements et les acteurs concernés devraient respecter les valeurs culturelles et matérielles des peuples autochtones et des communautés locales, leurs relations spirituelles avec des sites sacrés, les espèces revêtant une importance culturelle, et les autres contributions de la nature aux humains.
Ressources essentielles
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References
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